Principaux articles publiés par Annie Bitbol-Hespériès et travaux en cours
I) Principaux thèmes abordés dans les articles publiés :
--Thèmes des articles :
Sur le thème des rapports entre philosophie et médecine à la Renaissance et au dix-septième siècle, sur le dualisme de l’âme et du corps, sur la médecine et l’unité de l’homme selon Descartes, sur l’explication de la douleur, en particulier des amputés (douleur des membres fantômes), sur les rapports entre médecine et anthropologie. Sur l’étude médicale et philosophique de La nature de l’homme. Sur l’anthropologie et la médecine.
Sur les sources renaissantes de la pensée médicale de Descartes, sur l’héritage de Vésale (« Vésale et les autres », Caspar Bauhin et Fabrice d’Acquapendente...), sur l’approbation cartésienne de la découverte de la circulation du sang par William Harvey, la controverse avec Harvey sur la cause du mouvement du coeur, sur l’aristotélisme et la médecine, les analogies et correspondances en médecine.
Sur la métaphore entre le coeur et le soleil dans les traités de médecine de la Renaissance et dans le traité de Harvey de 1628 sur le mouvement du coeur et du sang (Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus). Pas de trace d’influence de Copernic ou de Galilée sur Harvey. Au contraire, Descartes rallié aux « nouveaux astronomes » dans Le Monde, non publié en raison de la condamnation de Galilée.
Sur le rejet cartésien de la métaphore du coeur soleil.
Sur les songes de Descartes et sa vocation.
Sur la mélancolie dans les lettres à la princesse Elisabeth de Bohême et sur les sources médicales de Descartes au sujet des cas de mélancoliques évoqués dans la première des Méditations Métaphysiques et dans le dialogue inachevé La recherche de la vérité par la lumière naturelle. Sur l’affection mélancolique et la folie. Sur l’usage de la raison plutôt que des remèdes.
Sur l’anthropologie cartésienne et son influence sur l’anthropologie de Hobbes. Sur la vision chez Descartes et Hobbes, et sur les yeux des « regardants ».
Sur les monstres et les jumeaux joints de la Renaissance aux Lumières, (seizième siècle, dix-septième siècle, dix-huitième siècle, et, en conclusion, évocation de la situation au début du dix-neuvième siècle). Sur la variété des jumeaux joints (jumeaux conjoints ou jumeaux soudés, et pas seulement les « siamois »). Sur la génération des monstres, la génération des jumeaux joints, les liens entre médecine et philosophie, entre médecine et téléologie, entre médecine et théologie, la Nature, Dieu, les attributs divins, les desseins divins.
Sur Ravaisson (Jean-Gaspard-Félix Lacher) et la philosophie de la médecine.
Sur le lien entre médecine et méthode chez Descartes.
Sur les modèles mécaniques et mécanistes en médecine : modèles mécaniques dans la tradition médicale et usage de ces modèles par Descartes. Sur le mécanisme, les âmes et facultés dans les traités de médecine, et le principe de vie.
Sur des errata dans les textes latins biomédicaux de Descartes (AT XI). Ces errata concernent des fragments des Primae cogitationes circa generationem animalium et des Excerpta anatomica (Anatomica quaedam ex Manuscripto Cartesii), fragments portant notamment sur les comptes rendus des dissections de Descartes recopiés par Leibniz et d’abord édités par Foucher de Careil, puis par Adam et Tannery.
Sur la primauté accordée au Traité de L’Homme par rapport au « second Traité » : la Description du corps humain, dans l’édition parisienne de 1664 par Clerselier. L’article s’attache au contexte de la rédaction des Préfaces de Clerselier et Schuyl, et aux Remarques de Louis de La Forge, ainsi qu’au contenu des deux textes de Descartes.
Sur l’identification d’une nouvelle source dans les textes biomédicaux de Descartes, fournissant, parmi d’autres, une explication de « f. 804 » (AT XI, 607), et de « 728 » (AT XI, 644), dans les Excerpta anatomica copiés par Leibniz : les Observationes de Johannes Schenck.
Sur l’importance des images dans les recherches médicales de Descartes et dans ses textes médicaux publiés (De Homine et L’Homme).
Sur l’influence du mécanisme cartésien dans l’atlas anatomique projeté par le professeur à Leyde Johannes Van Horne et les grands dessins réalisés par le dessinateur Sagemolen et récemment retrouvés à la BIUS : Bibliothèque Interuniversitaire Santé (Paris), Histoire de la médecine, Réserve.
Keywords in my published papers dealing with history and philosophy of medicine in context, as well as philosophy in context : Links between Medicine and Philosophy, Cartesian Medicine, Cartesian Anthropology, Descartes’ Dualism, Descartes’s Medicine and the Unity of Man, Cartesian explanation of pain, in particular phantom limbs, Medicine and Anthropology, Descartes’ medical and philosophical study of the Nature of Man.
Cartesian Renaissance sources in medicine, Vesalius’s Legacy (« Vezalius and the others », Caspar Bauhin, Fabricius of Aquapendente, ...), Descartes’ approval and rewriting of the discovery of the Circulation of the Blood by William Harvey, Descartes’ controversy with Harvey about the explanation of the mouvement of the heart, Aristotelism and medicine, analogies in medicine.
On the metaphor of the heart being like the sun in medical treatises and in Harvey’s treatise about the study of the movement of the heart and the blood (Exercitatio anatomica de motu cordis in animalibus). No influence of Copernicus or Galileo in Harvey’s use of the metaphor of the heart being like the sun. On the contrary, in Le Monde (The World) Descartes wanted to draw information from the most recent sources : from Copernicus to Galileo, and the condemnation of Galileo’s Dialogue on the Two chief World Systems, by the Congregation of Cardinals established to censor books, caused him not to publish his book.
On the Cartesian rejection of the Harveian heart sun metaphor.
On Descartes’ dreams.
About melancholy in the letters to Princess Elizabeth of Bohemia. On the medical sources of the examples of « madmen, whose brains are so damaged by the persistent vapours of melancholia... » in the First of the Meditations on First Philosophy and in The Search for Truth by Means of the Natural Light. About melancholy and madness. On the importance of reason rather than remedies.
Descartes’ anthropology and its links with Thomas Hobbes’ anthropology (with the De Homine in particular), theories of vision in Descartes’ works and in Hobbes’ works, the eyes of the « onlookers ».
About Monsters and Nature, Monsters and Generation, monsters and medicine, monsters and philosophy, monsters and theology, monsters and teleology.
About Monsters and conjoined twins from the Renaissance to the Enlightenment, the generation of monsters, the links between medicine and philosophy, between medicine and teleology, between medicine and theology, Nature, God, the divine attributes, the divine designs.
Conjoined Twins and their variety, conjoined twins and generation, conjoined twins and dissection, conjoined twins and their psychology...
On Ravaisson (Jean-Gaspard-Félix Lacher) and the importance of medical references in his works.
On the link between Cartesian medicine and method in the Discourse on the Method and in the Optics (Dioptrics).
On the mechanical models in medicine and in Descartes’writings. On mecanism, souls and faculties in medical treatises, and on the vital principle (principle of life).
About some errata in various Anatomical texts published in the Adam and Tannery edition of Descartes’Works, Oeuvres de Descartes, texts being given at AT XI. These errata deal with some extracts of the Primae cogitationes circa generationem animalium and of the Excerpta anatomica (Anatomica quaedam ex Manuscripto Cartesii, Descartes’ Excerpts Leibniz copied or had copied in Paris, first edited by Foucher de Careil, then by Adam and Tannery).
About the Primacy of L’Homme (Treatise on Man) compared to The Description of the Human Body in the 1664 Parisian edition by Clerselier ». This paper deals with the context of the Prefaces of Clerselier and Schuyl and the Remarques by La Forge as well as with the content of the two texts by Descartes.
Unveiling a significant reference in Descartes’ biomedical writings in the Adam and Tannery edition of Descartes’Works, AT XI, providing, among others, an explanation of « f. 804 » (AT XI, 607), and of « 728 » (AT XI, 644), in the Excerpta anatomica copied by Leibniz : the Observationes by Johannes Schenck.
About the legacy of the Hippocratic Treatise « On the Nature of Man » commented by Galen : from Descartes’ Treatise on Man to the Description of the Human Body : the physiology of the Passions of the Soul. Paper published in Les Passions de l’âme et leur réception philosophique, Editors : Giulia Belgioioso andVincent Carraud, Brepols, Collection The Age of Descartes, September 2020, p. 67-100.
About the importance of anatomical images in Descartes’ research in medicine and in his publications (De Homine and L’Homme).
About the influence of Cartesian mechanism on the anatomical atlas by Sagemolen and Van Horne.
--Titres et références des articles, Titles of the papers :
- Le
principe de vie dans les Passions de l’âme,
Revue Philosophique, P.U.F., N° 4, octobre-décembre 1988, p.
415-431.
- Leibniz et la question de l’individuation, in Le problème de l’individuation, essais réunis par le Père Pierre-Noël Mayaud, Vrin, 1991, p. 79-104.
- Le dualisme dans la correspondance entre Henry More (Morus) et Descartes, in Autour de Descartes, Le dualisme de l’âme et du corps, ouvrage publié par J.-L. Vieillard-Baron, Vrin, 1991, p. 141-158. (Actes du colloque organisé par l’Université de Tours et qui s’est tenu à Descartes, ville natale de René Descartes, au Sud de la Touraine, en octobre 1989).
Résumé: Au moment où il
adresse sa première lettre latine à Descartes, le 11 décembre
1648, Henry More, platonicien de Cambridge, a déjà publié
Psychozoïa
Platonica or
a Platonical
song of the soul
(La
vie de l’âme
platonicienne ou
le chant platonicien de
l'âme),1642, texte
repris en 1647 dans les Philosophical
Poems avec,
par exemple, le poème Psychatnasia,
et Democritus
Platonissans or
an Essay upon the
infinity of worlds out
of Platonick
Principles,
1646, également réédité dans les Philosophical
Poems de
1647. Ces textes, où érudition et préoccupation religieuse sont
manifestes, ne constituent que le début d’une oeuvre immense.
Dans
Psychozoïa
Platonica,
Henry More relate sa quête spirituelle sous la forme d’un journal
mystique et allégorique, écrit quelques années avant qu’il ne
soit publié, et inspiré d’une de ses lectures favorites, The
Faerie Queene d’Edmund
Spencer, où se rencontrent néoplatonisme et éléments tirés des
Kabbalistes chrétiens. More aborde, à partir de l’histoire de son
âme, des questions métaphysiques et théologiques comme celles de
l’immortalité de l’âme (thème qui donnera son titre, en 1659,
à un nouvel ouvrage de More, dans lequel il citera et discutera
Descartes), de l’origine de la vie, des rapports entre Dieu et le
monde. Ce texte complexe est nourri de sources multiples, notamment
hébraïques et grecques. Parmi celles-ci, notons l’influence de
Platon, en relevant que More, qui connaît le grec, s’y réfère à
travers les traductions latines de Marsile Ficin, ce qui signifie que
des conceptions plotiniennes et des doctrines ésotériques viennent
s’y ajouter.
Dans
Democritus
Platonissans,
More expose la théorie de la
réalité et de l’infinité de l’espace, infinité qui est liée
à l’omniprésence divine sur le plan cosmologique. La référence
à Démocrite a d’ailleurs, comme de façon plus générale l’appel
aux atomistes de l’Antiquité (c’est le cas dans la
correspondance avec Descartes où Démocrite, Lucrèce et Epicure
sont cités) un but double: préserver la distinction entre l’espace
et les choses qui sont dans l’espace, tout en rejetant la
métaphysique matérialiste qui la sous-tend. Ce texte, où More cite
Descartes, préfigure leur débat épistolaire, relatif à l’identité
posée par Descartes entre l’espace et la matière, que récuse
sans cesse Henry More. De même, la question de l’infinité de
l’espace, évoquée dans ce livre, se retrouve dans la discussion
opposant le professeur de Cambridge au philosophe français,
Descartes distinguant entre l’étendue indéfinie de la matière et
le caractère infini de Dieu.
Par
rapport aux ouvrages publiés par le plus célèbre des Cambridge
men avant qu’il
n’écrive à Descartes, on peut s’étonner de l’éloge que More
adresse à Descartes, au début de la première lettre qu’il lui
envoie: « tout ce qu’il y a jamais eu de grands philosophes
et d’intimes confidents des secrets de la nature, n’étaient que
des nains auprès de vous ». Il est vrai qu’après avoir noté
que ce qu’a écrit Descartes dans les « Principes,
et dans ses autres ouvrages, est d’une si grande justesse, d’une
beauté si bien proportionnée et d’une conformité si parfaite
avec la nature, qu’il n’est pas possible de procurer un spectacle
plus agréable à l’esprit et à la raison humaine », More
poursuit par un « sed », (cependant), qui marque le point
de départ de la discussion épistolaire entre les deux
correspondants et de leur désaccord. Désaccord que More, dans son
souhait d’inclure Descartes dans la tradition de la philosophia
perennis,
estompe en ajoutant que les
difficultés qu’il soulève « ne portent point coup au fond
de sa philosophie » (AT, V, 237-238).
Pourtant,
le premier point que conteste More porte sur la définition
cartésienne de la matière. Ce point de désaccord est donc
fondamental, comme est fondamental le refus chez Henry More
d’admettre les animaux-machines, la disjonction cartésienne opérée
entre l’âme et la vie, et la définition cartésienne de la vie
par la chaleur du coeur.
L’article
expose donc les termes et les enjeux de ces profonds désaccords
entre Descartes et More ainsi que les enjeux de la définition
cartésienne de la vie, en soulignant sa radicale nouveauté sur un
double registre, puisqu’elle associe la découverte de la
circulation du sang à une explication intégralement mécaniste de
la chaleur du coeur conçue comme « principe de vie ». Il
montre l’influence du débat épistolaire avec Descartes sur les
écrits ultérieurs de Henry More.
-mots-clés: vie, principe de vie (principe vital), âme, dualisme, chaleur du coeur, circulation du sang, conarion (conarium) ou glande pinéale, théories panpsychiques, âme du monde, « vie du monde ».
-
Descartes et Regius : leur
pensée médicale, in
Descartes et Regius,
Autour de L’Explication de l’esprit humain, édité
par Theo Verbeek, éditions Rodopi, Amsterdam-Atlanta, 1993, p.
47-68. (Actes du colloque organisé par la Faculté de Philosophie de
l’Université d’Utrecht et la Maison Descartes d’Amsterdam, qui
s’est tenu à la Maison Descartes d’Amsterdam en octobre 1991).
Résumé: Cet article montre l’influence de Descartes sur un de ses disciples (plus proche chronologiquement de Descartes que Malebranche ou Leibniz, mais moins prestigieux) : le médecin Henri de Roy, dit Henricus Regius. Il démontre l’importance de Descartes sur l’enseignement médical dispensé par Regius à l’université d’Utrecht, à partir d’une analyse de la Physiologia de 1641. Ce texte, Physiologia sive cognitio sanitatis (Physiologie ou connaissance de la santé) réunit des thèses latines de médecine, soutenues sous la direction de Regius à l’université d’Utrecht. Son analyse permet d’apprécier l’influence du Discours de la méthode et des Essais, en particulier de la Dioptrique, aux Pays-Bas. Elle permet en outre de cerner l’originalité de la médecine de Regius par rapport à celle de Descartes, et de voir l’influence des disputations de la Physiologia sur les ouvrages ultérieurs de Regius, notamment les Fundamenta physices de 1646, chapitres 10 (De animalibus) et 12 (De homine), le traité de Médecine en quatre livres de 1647, Fundamenta medica, et la Philosophia Naturalis de 1654 et 1661, aux livres IV (De animalibus) et V (De homine) en particulier. Ce dernier livre constitue une édition complétée des Fundamenta Physices et Regius inclut aussi des emprunts aux Passions de l’âme de Descartes.
-mots-clés: correspondance entre Descartes et Regius, physiologie, nature de l’homme, âme de l’homme, cerveau, divisions intra-cérébrales, concavités du cerveau, sens internes, sens commun, glande pinéale ou conarion ou épiphyse, que Descartes distingue soigneusement de l’hypophyse ou glande pituitaire, nerf optique, esprits animaux, « feu sans lumière » dans le coeur, circulation du sang,
- Réponse à Vere Chappell (Amherst, Massachusetts), sur l’homme cartésien et l’union substantielle, p. 427-447, in Descartes, Objecter et répondre, livre publié sous la direction de Jean-Marie Beyssade et Jean-Luc Marion, Paris, P.U.F., 1994. (Actes du colloque « Objecter et Répondre », organisé par le Centre d’études cartésiennes, en Sorbonne et à l’Ecole Normale Supérieure du 3 au 6 octobre 1992, à l’occasion du 350e anniversaire de la seconde édition des Méditations.)
- Les Olympica et la vocation scientifique de Descartes, p. 47-71, in Romanica Gandensia, XXV, numéro consacré aux Olympiques de Descartes, Etudes et textes réunis par F. Hallyn, Droz, 1995. (Actes d’une Journée d’études sur les Olympica organisée à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Gand, le 5 mars 1993).
Résumé: Au cours de sa halte dans le « poêle » (pièce chauffée par un poêle de faïence, par opposition aux cheminées enfumées), à Neuburg, sur les bords du Danube, Descartes a eu trois songes. Aucun élément des songes de novembre 1619 ne permet de dire que Descartes s’est intéressé à la médecine à partir de ce moment ni d’affirmer qu’il a évoqué les conceptions médicales liées aux Rose-Croix.
Pour tenter de comprendre les Olympica, c’est-à-dire aussi bien le texte de la transcription des fameux songes, que les notes du petit registre, il me semble qu’il faut également étudier la correspondance échangée entre le départ de Beeckman et celui de Descartes, et notamment les cinq lettres que Descartes a rédigées pour Beeckman entre le 24 janvier 1619 et le 29 avril 1919.
Alors, des thèmes apparaissent, qui relient les recherches menées avec Beeckman et les songes du 10 novembre 1619, mais qui montrent surtout un écart considérable: celui imputable à la prise de conscience de la vocation scientifique d’un homme qui seul parvient à s’élever aux pensées les plus hautes, celles dont témoignent le choix des termes de Parnassus et d’Olympica.
Le thème de la solitude, la possibilité d’accéder aux pensées les plus hautes et le grand rôle joué par le Corpus poetarum, dans le troisième songe et dans son interprétation, constituent un faisceau d’indices permettant de rattacher les Olympica à l’histoire de la mélancolie. L’importance que Descartes accorde alors à l’imagination, l’alternance de phases d’enthousiasme et d’abattement, d’inspiration et d’oisiveté, vécue par Descartes dans la solitude, -alternance qui correspond à « l’ambivalence de la nature mélancolique » bien définie dans Saturne et la Mélancolie-, ainsi que le rôle accordé aux mathématiques dans le Parnassus et dans les Praeambula, viennent conforter cette proposition d’interprétation.
Descartes affirme sa vocation: celle d’un homme qui, parti des mathématiques, s’ouvre seul à la réforme des sciences, en ôtant les « masques » des sciences particulières afin de mettre en évidence leurs liens dans la « catena scientiarum ». La vocation scientifique est pensée par rapport à la création poétique et l’inspiration des poètes fournit le modèle qui guide le jeune Descartes en lui donnant confiance pour élaborer seul une « science aux fondements nouveaux ».
- Anthropologie et médecine, p. 58-61 du Magazine Littéraire, avril 1996, numéro 342 intitulé Descartes, les nouvelles lectures.
- Connaissance de l’homme, connaissance de Dieu, p. 507-533, in Les Etudes Philosophiques, 1996, numéro 4, consacré à La question de l’homme, de Descartes à Malebranche.
Résumé de cet article : Pour Descartes, l’homme est composé d’une âme et d’un corps, qui doivent être unis pour composer un « vrai homme ». L’élimination des fonctions non intellectuelles de l’âme forme le motif de la médecine cartésienne et la conception cartésienne de l’homme est novatrice dans son affirmation de l’âme raisonnable autant que dans sa manière d’envisager le corps. Car Descartes pose la question de l’homme dans le contexte de la tradition médicale, qu’il connaît, et à laquelle il s’oppose régulièrement. S’il prend le thème du « connais-toi toi-même », invoqué depuis le seizième siècle pour justifier l’étude de l’anatomie, Descartes l’utilise de façon profondément originale. En effet, son invocation du « connais-toi toi-même » est détachée des louanges adressées au Créateur, dont témoigne le tableau de Rembrandt, L’anatomie du Dr Tulp, peint à Amsterdam au moment où Descartes rédige la partie du Monde consacrée à L’Homme. De même, Descartes dissocie son invocation du précepte « connais-toi toi-même » du contexte de macabre moralisant illustré par les bannières que portent les squelettes articulés dans le fameux amphithéâtre d’anatomie de Leyde.
Abstract: According to Descartes, man is composed of a soul and a body that need to be joined to compose a « real man ». The eradication of the non-intellectual functions of the soul constitutes the philosophical motive of Cartesian medicine, and Descartes’ conception of man is a new one, with its affirmation of a rational soul, as well as in its way of considering the body. Descartes indeed raised the question of man in the context of the medical tradition. When Descartes quoted the ancient theme of « Know thyself », which had medical application from the sixteenth century onwards, in order to justify the study of the human body, he did so in a very original way. Descartes did not quote such a theme in relation to the praise of God, an illustration of which can be found in Rembrandt’s famous painting Anatomy of Dr Tulp, painted in the year 1632 in Amsterdam at the very moment when Descartes was writing his treatise on Man. Descartes also dispensed with the gruesome moralizing, an example of which could be found on the banners held by the skeletons standing around the galleries of the famous anatomical theater at Leiden.
-mots-clés: âme, corps, anthropologie; Descartes et l’étude de l’anatomie; le « connais-toi toi-même », nosce te ipsum, ses significations et enjeux dans les leçons d’anatomie (dissections publiques) et les traités d’anatomie; le corps microcosme; Vésale, De humani corporis fabrica ; Rembrandt, Leçon d’anatomie du Docteur Tulp; les vanités.
- La médecine et l’union dans la Méditation sixième, p. 18-36 dans l’ouvrage collectif Union et distinction de l’âme et du corps : lectures de la VIe Méditation, publié chez Kimé en 1998, sous la direction de D. Kolesnik-Antoine. (Actes de la Journée d’études organisée le 15 novembre 1997, salle Louis Liard, en Sorbonne).
Résumé: Ce texte prolonge deux de mes articles précédents: d’abord, la Réponse à Vere Chappell, ensuite « Connaissance de l’homme, connaissance de Dieu », en étudiant les thèmes médicaux contenus dans la sixième des Méditations métaphysiques et en les replaçant dans leur contexte médical et chirurgical. L’article expose la conception cartésienne de l’union de l’âme au corps qui repose sur l’interprétation de faits médicalement constatés, notamment l’explication de l’illusion des amputés ou douleur des membres-fantômes. L’analyse cartésienne de la douleur des amputés dans la Méditation VI développe d’une part, les acquis du discours quatrième de la Dioptrique et d’autre part, l’exemple de la jeune fille qui se plaint de douleurs dans les doigts, alors qu’on lui cache son amputation de la main, -exemple que Descartes a cité dans la lettre à Froidmont (Fromondus) du 3 octobre 1637 et qu’il reprend dans les Principes de la philosophie. Dans la Méditation VI, l’exemple de l’illusion des amputés joue un rôle important, puisqu’il permet à Descartes de montrer que la mutilation d’une partie du corps n’affecte en rien l’unité de l’âme. Son explication « physique » est un remarquable échantillon du caractère novateur des thèses cartésiennes en médecine, parce que la douleur des membres fantômes ne parvenait pas à être expliquée dans les traités de chirurgie, ceux d’Ambroise Paré ou de Fabrice d’Acquapendente, par exemple.
-mots-clés: médecine et union, sensations, douleur, illusion des amputés, douleur des membres fantômes, cerveau, nerfs, glande pinéale, union de l’âme au corps, leçon d’anatomie et thème de la dignité de l’homme, la main et l’histoire de la médecine.
- Descartes,
Harvey et la médecine de la Renaissance, p. 323-347 du volume
Descartes et la Renaissance, édité par E. Faye et publié
chez H. Champion, Paris, 1999. (Actes du Colloque international de
Tours des 22-24 mars 1996).
Résumé: Cet article confirme les analyses présentées dans Le principe de vie chez Descartes en montrant l’importance des sources renaissantes de la médecine cartésienne, aussi bien en anatomie qu’en embryologie. L’article commente la référence cartésienne à « Vésale et les autres », dans la lettre à Mersenne du 20 février 1639 (AT, II, 525), puis celle à « Fabricius ab Aquapendente », dans la lettre à Mersenne du 2 octobre 1646 (AT, IV, 555). Après avoir noté le parallèle entre ces deux références et insisté sur le fait que Descartes évoque aussi l’indispensable recours aux expériences en médecine, l’article souligne la concordance entre les sources médicales de Descartes et celles du médecin William Harvey. Mais l’article montre aussi que la réécriture cartésienne de la démonstration harvéienne de la circulation du sang et la controverse de Descartes avec Harvey sur la cause du mouvement du coeur mettent en question une partie de l’héritage de la pensée médicale de la Renaissance, en particulier l’influence d’Aristote sur William Harvey.
-mots-clés: sources médicales de Descartes et de Harvey : André Vésale (Vezalius, Vesalius), Caspar Bauhin (Bauhinus), Fabrice d’Acquapendente (Fabricius ab Aquapendente) ; école de médecine de Padoue, où Fabricius d’Acquapendente a enseigné et Harvey étudié ; anatomie, embryologie, expériences de dissection ; aristotélisme de Harvey, aristotélisme padouan.
- Cartesian Physiology, p. 349-382 de l’ouvrage de référence édité par Stephen Gaukroger, John Schuster and John Sutton, Descartes’ Natural Philosophy, publié chez Routledge, dans la collection Routledge Studies in Seventeenth-Century Philosophy, en juillet 2000.
- Descartes, Reader of Harvey : The Discovery of the Circulation of the Blood in Context, p.15-40, in Graduate Faculty Philosophy Journal, New School for Social Research, vol. 22, N°1, 2000, New York.
- Descartes face à la mélancolie de la Princesse Elisabeth, in: Une philosophie dans l’histoire, hommages à Raymond Klibansky, édité par B. Melkevik et J.-M. Narbonne, Québec, Presses de l’Université de Laval (Canada), 2000, Diffusion Vrin, pages 229-250.
Résumé: Dans ma contribution au Festschrift du professeur Raymond Klibansky, j’ai souhaité poursuivre l’étude d’un thème particulièrement négligé dans la correspondance entre Descartes et la princesse Elisabeth de Bohême: celui de la mélancolie dont souffre la princesse Elisabeth, thème médico-philosophique que j’avais eu l’occasion d’aborder aux Journées d’études organisées à Descartes en mars 1999, en présentant une communication sur « La raison plutôt que les remèdes ».
L’article analyse ce cas de mélancolie féminine que Descartes étudie dans un cadre médical rénové en prenant au sérieux l’affection dont souffre la princesse. En effet, Descartes connaît cette affection et sait que la mélancolie peut avoir pour horizon la folie, comme dans les délires mélancoliques liés aux cas graves de lycanthropie, par exemple. Descartes a d’ailleurs cité, dans la Méditation première et dans le dialogue inachevé La recherche de la vérité, des exemples de pathologies mélancoliques liées aux « vapeurs » de la bile noire. Ces pathologies sont répertoriées dans des traités médicaux et l’article indique la source des exemples cartésiens : il s’agit du traité d’André Du Laurens, Discours des maladies mélancoliques et du moyen de les guérir. Elisabeth reconnaît que les « méditations par lettres » que Descartes lui adresse lui servent « d’antidote contre la mélancolie ». Descartes y prône le « vrai usage de notre raison » pour lutter contre les désordres de l’imagination et « apprivoiser » les passions.
-mots-clés: philosophie et médecine, lien entre l’âme et le corps, mélancolie et unité de l’homme, cas de mélancolie féminine, opilation de la rate, bile noire, folie, imagination, circulation du sang, usage de la raison, pathologies du cerveau au dix-septième siècle, maladies causées par les désordres de l’imagination à l’âge classique, sources médicales des exemples de mélancoliques cités par Descartes dans la première des Méditations métaphysiques et dans La recherche de la vérité par la lumière naturelle, usage de la raison plutôt que des remèdes.
-Auteurs cités : Hippocrate, Aristote, Théophraste, Celse (Aulus Cornelius Celsius), Galien ; Marsile Ficin ; André Du Laurens (Laurentius), Felix Plater (ou Platter), Petrus Forestus (P. van Foreest), Timothy Bright, Robert Burton, William Harvey ; Louis de La Forge, François Poullain de la Barre ; Adrien Baillet ; Raymond Klibansky, Erwin Panofsky, Fritz Saxl.
- L’Homme de Descartes et le De Homine de Hobbes, in Hobbes, Descartes et la métaphysique, (D. Weber, éd.), p. 155-p. 186. Actes du colloque « Hobbes, Descartes et la métaphysique » organisé par le Centre d’études cartésiennes (Université de Paris Sorbonne, Paris IV), qui s’est tenu en Sorbonne le 8 juin 2002. Recueil publié fin octobre 2005 à Paris, chez Vrin.
Résumé: Après avoir justifié le rapprochement entre L’Homme de Descartes (-une publication posthume, après le renoncement à la publication du Monde qui inclut L’Homme, en raison de la condamnation de Galilée, et la « redistribution » des thèmes de L’Homme dans le Discours de la méthode et la Dioptrique-), et le De Homine de Hobbes (-une publication différée de la deuxième partie du vaste projet hobbesien: « Corpus, Homo, Civis », en raison de la Guerre Civile anglaise-), l’article développe les trois points suivants:
- L’Homme de Descartes et le De Homine de Hobbes ont été au coeur de projets philosophiques ambitieux et sont restés au centre des oeuvres en dépit de la publication différée de ces traités. Ces oeuvres ont de nombreux points d’intersection, l’anthropologie de Hobbes s’étant, sinon explicitement définie, du moins implicitement posée, par rapport à celle de Descartes.
- L’anthropologie de Descartes et celle de Hobbes accordent une place prépondérante à l’explication de la vision, conséquence de l’émergence d’un nouveau contexte scientifique. L’homme est « spectateur » et « observateur » d’un monde où les mouvements apparents des astres ne correspondent pas à leurs mouvements réels.
- Ces anthropologies sont indissociables de l’essor des sciences physique et astronomique et reposent sur des connaissances anatomiques et physiologiques récentes. Copernic et Galilée, d’une part, Vésale et Harvey, d’autre part, sont des références importantes dans la constitution des anthropologies de Descartes et de Hobbes. Ce sont deux anthropologies de « physiciens-métaphysiciens ».
- mots-clés: philosophie et astronomie, philosophie et médecine, anthropologie, nature de l’homme, l’homme et son rapport au monde, l’homme et la connaissance de lui-même; l’héritage de l’année 1543 dans les oeuvres de Descartes et de Hobbes: liens avec les textes de Copernic, puis avec ceux de Kepler, de Tycho Brahé et de Galilée (Galileo Galilei) d’une part, liens avec le traité de Vésale (Vezalius, Vesalius) sur la Fabrique du corps humain (De humani corporis fabrica), puis avec les livres de Caspar Bauhin (Theatrum anatomicum) et de William Harvey (De motu cordis et sanguinis in animalibus) d’autre part; les nouveaux astronomes, les nouveaux anatomistes; l’explication des sensations, la « fabrique de l’oeil », l’explication de la vision, les illusions d’optique, le rôle du nerf optique, l’optique, la dioptrique, la lumière, le monde visible, la géométrie, l’admiration, le dualisme cartésien, le principe de vie mécaniste, le mouvement du coeur, la circulation du sang, les « esprits animaux », la génération des animaux.
- Conjoined Twins and the Limits of our Reason, p. 61- p.107, in Monsters and Philosophy, edited by Charles T. Wolfe, London, King’s College Press, University of London. (December 2005).
Abstract :
In
the texts dealing with monsters, the sets of human double monsters,
in particular conjoined twins, have been undoubtedly the ones who
provoked the most surprise, curiosity and amazement.
With their
physical peculiarities and their various appearances, conjoined twins
have fired the imaginations and triggered many debates in which
philosophical issues have been important. Double monsters have
crystallized in an exemplary way the problems we must face with
monsters: (i) as regards the reactions towards their extraordinary
physical appearances and their place in society, (ii) as regards
their ontological status and their place in Nature which for a very
long time was tightly associated with God, (iii) as regards the issue
of their causes, for long not independent from theological concerns.
Double monsters have raised some important additional questions:
their individuality, i.e. do conjoined twins have one soul or
two, an important question related to the discussions on the
'principle of life' (or vital principle) and the seat of the soul and
not only with the decision to baptize either one person or two.
Another important question concerning human double monsters when they
had lived for a long period of time concerned their psychology and
whether they have different personalities, not to mention the
possibility of their being separated by surgery and the details of
their autopsy reports showing the importance of the fusion of their
organs, a dimension which had implications for the mechanics of
matter itself.
These issues did not raise independently from
the accounts of monstrous births and, from the second half of the
sixteenth century onwards, from the publication of « canards »,
pamphlets and broadsides showing illustrations of conjoined twins, or
from actual encounter with traveling conjoined twins.
In the first part of my paper I discuss the conception of conjoined twins in relation to the notions of « spectacle » and Nature, with a particular focus on the importance of theology and philosophy in the first medical treatises on monsters. In the second part, I examine the fundamental changes brought about in this context by some physicians from the beginning of the seventeenth century as well as by René Descartes. I emphasize the split between the investigation about monsters and theology, as well as the importance of the new conception of nature introduced by Descartes, especially in relation to matter and to the laws of nature. In the third part, I describe the limitations in the influence of these fundamental changes in the eighteenth century, with a particular focus on the enduring influence of theological and teleological arguments in the debates concerning detailed dissections of conjoined twins at the Académie Royale des Sciences in Paris.
- Keywords : Medicine and philosophy, medicine and theology, medicine and teleology ; Monsters from the sixteenth century to the nineteenth century, Monsters and spectacle, monsters and show, Nature as a spectacle; laws of nature; Anatomy, praises to the human body, dissection of monsters and of conjoined twins and teleology, dissections of monsters and of conjoined twins and theology, the divine attributes, the divine designs, the Académie Royale des Sciences,
- Authors quoted : Aristotle, Galen, Saint Augustine, Rüff or Rueff, Ambroise Paré, M. Weinrich, Caspar Bauhin, Du Laurens (Laurentius), Riolan (the Younger), Fortunio Liceti, René Descartes, William Harvey; Malebranche, Antoine Arnauld, Régis; Du Verney (Duverney, Duvernay), Marcot, Lémery, Winslow, Goëffon (Goiffon), Haller, Bordenave; Fontenelle, Dortous de Mairan; Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Etienne Serres...
- Monsters, Nature and Generation in the Early Modern Period: The Emergence of Medical Thought, in The Problem of Animal Generation in Modern Philosophy, edited by Justin E.H.Smith, published at Cambridge University Press, 2006, p. 47-p. 62 (paper published without my notes).
This paper is based on the web-exhibition about monsters that had been on the website of the main medical library in Paris (the BIUM, Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine, now the BIUS, Bibliothèque interuniversitaire de Santé), since the 29th January 2004, Les monstres de la Renaissance à l’âge classique, métamorphoses des images, anamorphoses des discours. De l’admiration, souvent mêlée de peur pour ces signes divins et prodiges de la nature aux bases d’une lecture plus scientifique: l’émergence d’un discours médical sur les monstres. Text, bibliography and selection of the illustrations (from rare books in the BIUM) by Annie Bitbol-Hespériès. Concept, web design and image editing by Jacques Gana.
Abstract:
One of the most striking features of the discussion of monsters
in the sixteenth century lies in the variety of texts in which they
were discussed. It would take a long time for monsters and their
causes to become the specific subject of study among surgeons and
physicians.
Jacobus Rüff (Rueff), a Zurich surgeon, and
Ambroise Paré, a French surgeon, were the first to include a study
about monsters in medical treatises providing a large number of
illustrations. These treatises have been reprinted and translated
many times after their first publications, Rüff’s in German and
Latin in 1554, and Paré’s in French in 1573. When describing and
illustrating monsters, Rüff, and to a greater extent Paré, borrowed
information on the subject from many sources.
The
second, most outstanding feature concerning human monsters in the
sixteenth century, as well as in the seventeenth century, was the
fact that they were shown in Europe. Human monsters travelled in
Italy, Germany, France, England, and generally received money for
their exhibitions. Among them, conjoined twins were very famous and
drew in large crowds. At that time also in Europe, many illustrations
of monsters were disseminated, not only in books but also in
fascicules and on broadsides. These illustrations depict human and
animal monsters, as well as extraordinary monsters which were half
human and half animal, or a strange combination of parts of various
animals.
The third main feature of the conception of birth
defects in the sixteenth century was that monsters and generation
were not always closely linked. True, the amazing appearance of a
monster is a rupture in the theory of generation derived from
Aristotle asserting the reproduction of the same from one generation
to another.
Part one of my paper highlights the limitations of efforts to explain the generation of monsters in the sixteenth century. I examine in particular the works of Jacobus Rüff (Rueff) and Ambroise Paré in this context. Part two sketches the new way of investigating monsters that appeared in some medical writings from the very beginning of the seventeenth century. I take into account the split between medicine and theology, and I emphasize the rise of embryology with Fabricius of Acquapendente (Fabricius ab Aquapendente). Part three shows the shifts of attitudes that occurred towards nature and generation with the investigations of nature and the « principle of life » in the works of René Descartes. Descartes’ mechanist account of the formation of the fetus in his Primae cogitationes circa generationem animalium, and in a much precise way, in the four parts of La Description du corps humain (The Description of the Human Body) eradicate the themes, widely spread in medical treatises, on the one hand of the soul considered as the principle of life (vital principle) and on the other hand of the astral or divine heat that was supposed to be found in the heart as well as in the male semence. Descartes’ assertions on these subjects are all the more original when compared to Harvey’s treatise On the Generation of Animals, (Exercitationes de generatione animalium) published one year after Descartes’ death.
-Keywords : Secrets of Nature, the mystery concerning the role of the organs of generation, ovaries, human matrix or human uterus, male seed, sperm, generation of monsters, conception, embryology, soul principle of life (vital principle), heart principle of life (vital principle), the principal organs in the human body, mechanism, vitalism, William Harvey’s debt to both Aristotle and Fabricius of Aquapendente
-Authors quoted : Aristotle, Galen, Saint Augustine; Vesalius, Rüff or Rueff, Ambroise Paré; Martin Weinrich, Caspar Bauhin, Du Laurens (Laurentius), Riolan (the Younger), Johann Schenck, Johann Georg Schenck, Liceti; Fabricius of Acquapendente (Fabricius ab Aquapendente), René Descartes, William Harvey...
- Ravaisson et la philosophie de la médecine, in L’épistémologie française, 1830-1970, sous la direction de Michel Bitbol et de Jean Gayon, livre paru aux P.U.F., début juin 2006, p. 413- p. 430. Le livre a fait l’objet d’une traduction en chinois en 2011, chez l’éditeur The Commercial Press et l’article y figure aux pages 451-471. L’ouvrage paru aux PUF a été réédité aux éditions Matériologiques en 2015.
Résumé : Après un rappel de la biographique de Ravaisson (Jean-Gaspard-Félix Lacher) et de sa bibliographie, l’article étudie le contexte philosophique et médical de la publication de De l’Habitude (1838), ainsi que ses liens avec le Rapport sur la philosophie en France au dix-neuvième siècle (1868) et Métaphysique et morale (1893). L’analyse de la philosophie de la vie dans les textes de Ravaisson montre la place importante qu’y occupe la philosophie de la médecine.
L’article souligne l’influence d’Aristote et de la méthode psychologique prônée par Victor Cousin, ainsi que celle des médecins vitalistes et animistes cités par Ravaisson : Stahl, Barthez, Bichat, Buisson. Il commente l’importance du vocabulaire de la médecine dans les textes de Ravaisson, en particulier du vocabulaire de la pathologie, lié aux références à Van Helmont et à Sydenham.
Il étudie l’animisme de Ravaisson et sa dénonciation constante du mécanisme cartésien et surtout du matérialisme en médecine représenté par les textes de La Mettrie, de Cabanis, de Broussais et de Gall.
Il montre que les écrits de Ravaisson ouvrent la voie à Bergson et à Canguilhem.
-Mots clés : De l’Habitude (1838), Rapport sur la philosophie en France au dix-neuvième siècle (1868); Métaphysique et morale (1893); vie, âme, principe de vie, principe vital, âme pensante, psychologie, conscience; méthode psychologique; médecins vitalistes et animistes : Stahl, Barthez, Bichat, Buisson; vocabulaire médical utilisé par Ravaisson, notamment celui de la pathologie avec les références à Van Helmont et à Sydenham; dénonciation du mécanisme cartésien et surtout du matérialisme en médecine.
-Auteurs cités : Aristote; Van Helmont; Descartes; Leibniz; Thomas Sydenham; Georg-Ernst Stahl; Paul-Joseph Barthez, Xavier Bichat, Mathieu François-Régis Buisson; Francisque Bouillier; Victor Cousin; Maine de Biran; Gall, Broca, Vulpian; Claude Bernard; Bergson; Georges Canguilhem...
- Médecine et méthode chez Descartes, in : Conceptions de la science : hier, aujourd’hui et demain. Hommage à Marjorie Grene, sous la direction de Jean Gayon et Richard M. Burian, 2007, Editions Ousia (Bruxelles, diffusion Librairie philosophique Vrin, place de la Sorbonne), p. 167-190. Recueil faisant suite au colloque d’hommage organisé à l’Université de Bourgogne en octobre 1997, en l’honneur de Marjorie Grene, par Virginia Polytechnic Institute and State University, Blacksburg, U.S.A., et l’Université de Bourgogne, Dijon.
Résumé de l’article: Selon Descartes, la méthode « consiste plus en pratique qu’en théorie ». L’article étudie la pratique de la méthode en médecine dans la cinquième partie du Discours de la méthode, en détaillant l’analyse cartésienne du mouvement du coeur. Il analyse aussi cette pratique dans la Dioptrique, un des Essais de la méthode, où Descartes traite de la vision d’une façon inédite en insistant sur le rôle des nerfs optiques.
La pratique cartésienne de la méthode rompt avec la tradition médicale, où la méthode a sa place. La pratique de la méthode, indissociable du mécanisme corporel, transforme le contenu du discours médical et permet à Descartes de fonder une nouvelle anthropologie.
- Mots clés : contexte médical, explication cartésienne du mouvement du coeur qui inclut la découverte de la circulation du sang par William Harvey; analyse et enjeux de la controverse avec Harvey sur la cause du mouvement du coeur; analyse de l’approbation par Descartes de la circulation du sang avec mise en avant des « preuves » expérimentales de Harvey et abandon du cadre conceptuel aristotélicien dans lequel Harvey a inséré sa brillante découverte.
Méthode et rupture avec la tradition aristotélicienne, alors importante en médecine.
Méthode et rupture avec l’influence de Galien.
Méthode et rupture avec la tradition médicale des louanges envers la Nature.
Méthode et mécanisme corporel. Méthode et unité de l’homme. Analyse de la vision.
Méthode et mise à mal de l’anthropocentrisme dans les traités médicaux.
Méthode et fondation d’une nouvelle anthropologie.
Influence de la méthode cartésienne en médecine.
Auteurs cités, outre Descartes : Aristote, Galien, Du Laurens (Laurentius), Jean Riolan (fils), William Harvey (Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus), Plempius, Regius, Dionis, Jean Martet, Guy de Chauliac (La Grande Chirurgie, citée dans une édition de 1672 publiée à Bordeaux).
- L’Anthropologie cartésienne et la médecine, article paru en 2007, dans le numéro 3 de la Revue Philosophique de la France et de l’étranger (Juillet-septembre 2007) consacré à la publication des Actes de la journée d’hommage à l’oeuvre de Geneviève Rodis-Lewis, organisée par le Centre d’études cartésiennes (CEC, Université de Paris Sorbonne, Paris IV), qui s’est déroulée le 11 juin 2005 en Sorbonne (salle Louis Liard).
Résumé: L’anthropologie cartésienne est un recueil d’articles publiés par Geneviève Rodis-Lewis de 1955 à 1990 et remaniés. Les thèses principales concernent les développements que le thème de l’homme a suscités, de Descartes à Malebranche. Deux aspects constitutifs de l’anthropologie cartésienne sont privilégiés:les sensations et le langage, d’où l’accent mis sur l’union de l’âme au corps et sur l’unité de l’homme, plus que sur le dualisme. L’ouvrage aborde aussi la question médicale des origines de la transfusion sanguine, grâce à un écrit de Desgabets. Le chapitre sur les limites du modèle mécanique se trouve prolongé par l’étude des modèles mécaniques dans leur contexte médical. La comparaison entre le corps humain et une machine est un élément essentiel de la méthode cartésienne appliquée à la médecine, parce qu’elle est liée à la réflexion novatrice sur le « principe de vie ».
Auteurs cités, outre Descartes et Malebranche : Louis de La Forge, Gérauld de Cordemoy, Bernard Lamy, Wallis; Vésale, Harvey, Dom Robert Desgabets, Richard Lower, Thomas Willis, Christopher Wren, La Martinière; André Du Laurens, Jean Riolan (fils)
Commentateurs cités, outre Geneviève Rodis-Lewis: F. Bouillier, O. Hamelin, J. Maritain, G. Gusdorf, Jean Laporte, Etienne Gilson, Martial Gueroult, Georges Canguilhem
Abstract : L’anthropologie cartésienne (Paris, P.U.F., 1990) is a collection of articles published by Geneviève Rodis-Lewis from 1955 to 1990 and revised. The main theses concern the developments kindled by the theme of Man from Descartes to Malebranche. Two constituent aspects of the Cartesian anthropology are highlighted: sensations and language. That is why emphasis is given to the union of the soul with the body and to the unity of Man, more than to dualism. The work also deals with the medical issue of the origins of blood transfusion, thanks to a text by Desgabets (Dom Robert Desgabets). The chapter dealing with the limits of the mechanical model is protracted by the study of mechanical models in their medical context. The comparison between the human body and a machine is a crucial element of the Cartesian method applied to medicine because it is linked to the innovative reflection on the « principle of life » (vital principle).
- La vie et les modèles mécaniques dans la médecine du dix-septième siècle. Descartes face à la tradition médicale et aux découvertes de William Harvey, in Questions vitales, vie biologique, vie psychique, F. Monnoyeur (éd.), Kimé, Paris, février 2009, p. 47-81.
Auteurs cités : Fernel, André Vésale, Ambroise Paré, Fabricius d’Acquapendente, Caspar Bauhin, Jean Riolan (fils), Adrianus Spigelius (Adriaan van der Spieghel), William Harvey, Henricus Regius, Nicolas Sténon (Nils Stensen/Steensen).
Authors quoted : Fernelius, Andreas Vesalius, Ambroise Paré (Pareus), Hieronymus Fabricius of Aquapendente, C. Bauhinus, J. Riolan (the Younger), Adrianus Spigelius (Adriaan van der Spieghel), William Harvey, Henricus Regius, Nicolas Sténon (Niels Stensen or Steensen, Steno).
- Annotation de la physique de l’homme dans la cinquième partie du Discours de la méthode : évocation du traité non publié (Le Monde avec L’Homme), anatomie du coeur, dissection du coeur, chaleur du coeur, preuves de la circulation du sang découverte par Harvey et approuvée par Descartes (qui cite Hervaeus et ses expériences), mouvement du coeur et sa cause, différences avec Harvey à ce sujet, esprits animaux, règles des mécaniques, lois de la nature, comparaison entre le corps et une machine.
Notes publiées dans le volume III des Oeuvres complètes de René Descartes dirigées par Jean-Marie Beyssade et Denis Kambouchner dans la collection de poche Tel des éditions Gallimard. Ce volume Discours de la Méthode et Essais, a été le premier à paraître, le 17 septembre 2009.
- Sur quelques errata dans les textes biomédicaux de Descartes, Oeuvres de Descartes, AT XI, in Bulletin cartésien XLIV, Liminaire II, publié dans la Revue les Archives de Philosophie, 78, Janvier-Mars 2015, p. 161-168.
Ces errata concernent des passages des Primae cogitationes circa generationem animalium et des Excerpta anatomica (Anatomica quaedam ex Manuscripto Cartesii, notes de Descartes copiées par Leibniz). Ces errata s’inscrivent dans le cadre de la publication du volume II des Œuvres complètes de Descartes, collection Tel Gallimard, sous la direction de Jean-Marie Beyssade et de Denis Kambouchner.
About some errata in various Anatomical texts published in the Adam and Tannery edtion of Descartes’Works, Oeuvres de Descartes, texts being given at AT XI.
The text of these errata was published in the Liminaire II of the Bulletin cartésien XLIV, in les Archives de Philosophie, 78, 2015, p. 161-168. These errata deal with some extracts of the Primae cogitationes circa generationem animalium and of the Excerpta anatomica (Anatomica quaedam ex Manuscripto Cartesii, Descartes’ Excerpts Leibniz copied or had copied in Paris, first edited by Foucher de Careil, then by Adam and Tannery). These errata are linked with my translation and annotation of these Latin texts to be published with L’Homme (The Treatise on Man) and La Description du corps humain (The Description of the Human Body) in the second volume of the new edition of the Complete Works of Descartes, Oeuvres complètes de Descartes, collection Tel Gallimard edited by Jean-Marie Beyssade and Denis Kambouchner.
- De Vésale à Descartes, le coeur, la vie, communication présentée aux Journées d’étude sur La Fabrique de Vésale, La mémoire d’un livre, organisées à Paris par la Bibliothèque interuniversitaire de Santé (BIUS) et la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, 21-22 novembre 2014.
La version intégrale de l’article, avec illustrations, figure sur le site de la BIUS dans la publication en ligne des Actes des Journées Vésale : La Fabrique de Vésale, La mémoire d’un livre, Collection Medic@, Bibliothèque interuniversitaire de Santé, études réunies par Jacqueline Vons (p.105-134).
Maquette et mise en page de ce livre électronique par Jacques Gana.
Ce volume d’Actes des Journées Vésale a été mis en ligne le 25 Janvier 2016.
http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/index.php
http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/vesale/
Une version courte, sans illustration, a été publiée dans la Revue d’Histoire des Sciences Médicales, 2014, Octobre-Novembre-Décembre, p. 513-522.
Résumé : Fin novembre 1629, Descartes, installé aux Pays-Bas, commence à étudier l’anatomie pour rédiger L’Homme. Il lit alors « Vezalius et les autres », autrement dit « Vésale et les autres », et pratique des dissections. Le moment est marqué par l’influence croissante de Vésale, dont témoignent La leçon d’anatomie du Dr Tulp par Rembrandt et le Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin. Descartes rejette la tradition médicale liée aux divisions de l’âme et énonce un principe de vie qui se définit par la chaleur du cœur, alimentée par la circulation du sang, récente découverte démontrée par William Harvey.
Abstract : At the end of 1629, Descartes, settled in the Lower Countries, began studying anatomy and performing dissections in order to write L’Homme (The Treatise on Man). He acknowledged his debt towards « Vezalius and the others ». In those years, in Europe, the influence of Vesalius was increasing, as shown by Rembrandt’s Anatomy of Dr Tulp and by the Theatrum anatomicum by Caspar Bauhin. Descartes rejected the divisions of the soul, then a common place in medical treatises and he stated a principle of life (vital principle) defined by the heat in the heart linked to the new demonstration of the circulation of the blood by William Harvey.
Auteurs cités : Aristote, Galien, André Vésale (Vezalius, Vesalius), Ambroise Paré, Fabricius d’Acquapendente (Hieronymus Fabricius ab Aquapendente), Caspar Bauhin, André Du Laurens, Jean Riolan (fils), William Harvey, Henricus Regius, Molière, Pierre Dionis.
Thèmes abordés : L’héritage de Vésale et de Bauhin, l’étude de la nature de l’homme, les mouvements du coeur, la circulation du sang.
Authors quoted : Aristotle, Galenus, Vesalius, Bauhin, Ambroise Paré (Parey/Pareus), Hieronymus Fabricius of Aquapendente, Du Laurens, Jean Riolan (the Younger), William Harvey, Henricus Regius, Molière, Pierre Dionis.
Main topics : Vesalius’s legacy, Bauhin’s legacy, the study of the nature of man, the movements of the heart, the circulation of the blood.
-Paper : « The primacy of L’Homme in the 1664 Parisian edition by Clerselier » in Descartes’ Treatise on Man and its Reception, D. Antoine-Mahut and S. Gaukroger (Eds.), Springer, Studies in History and Philosophy of Science, 43, fin 2016, p. 33-47. Actes du colloque Nouvelles Recherches sur le traité de L’Homme de Descartes, organisé à l’ENS Lyon, les 16 et 17 janvier 2014.
Abstract: How can we understand the priority ascribed to L’Homme in the 1664 Parisian edition, from both the long title and long Préface by Clerselier to the copious Remarques by La Forge? What are the reasons of this imbalance? This question raises other important issues. What does the editor’s decision to change the title of the “second treatise” mean? Why did Clerselier focus on promoting L’Homme in the title given to the volume and in his Préface and why did La Forge strive to provide a better understanding of L’Homme in his Remarques and figures ? Should Clerselier’s Préface only be judged in relation to, or even in reaction to, Schuyl’s Foreword to the Latin translation of L’Homme, the De Homine, published in Leyden in 1662? Why is such importance granted to annotating L’Homme at the expense of the ‘second Treatise’ De la formation du fœtus (On the formation of the fetus) ? What are the reasons dealing with such an emphasis on L’Homme ? Are they related with the question of the illustrations highlighted by Schuyl, Clerselier and La Forge ? For what reasons is the exact content of the ‘second Treatise’ left aside in the Préface by Clerselier and so little commented by La Forge ? And what about the absence of any comments by La Forge on important moments of L’Homme ?
In other words, we wish to understand how Descartes’s specific new way of dealing with important biomedical questions, connected with philosophical issues, in L’Homme, and even more in La Description du corps humain (The Description of the Human Body, the genuine title of the « second treatise ») was concealed. Such is the relevant issue of the content of the Préfaces by Schuyl and Clerselier, and of the Remarques of Louis de La Forge for this posthumous edition of L’Homme and the “second traité”. There is a huge gap between the content of both L’Homme and of the ‘second Treatise’ and their presentation in the Préface and the comments in the Remarques.
To understand this complex situation, it is thus appropriate to compare the two posthumous published texts and to bear in mind the background in which these Préface and Remarques were written. For instance, the words “heart” and “body” are given less importance in the Préfaces than the word “soul”, which sounds somewhat strange, not to say highly paradoxical, because this is in complete contradiction with Descartes’ writings.
This paper gives answers to these questions, especially since it is linked to the annotation in the forthcoming edition of the Œuvres complètes de Descartes (Complete Works), Gallimard-Tel, volume II. The answers are all the more precise as these texts are joined with the complete French translation and annotation of the unpublished latin Primae cogitationes circa generationem animalium (First Thoughts about the Generation of Animals) and Excerpta anatomica (Anatomical Fragments), to be found in AT XI. The annotation of the Prefaces also provides valuable clues.
Résumé : Comment comprendre la primauté accordée au texte de L’Homme dans l’édition parisienne de 1664 ? Pourquoi ce déséquilibre entre la présentation du texte de L’Homme et celle du « second traité » ? Cette interrogation soulève d’autres questions importantes. Que signifie la décision de l’éditeur de changer le titre du « second traité » : La Description du corps humain devenant Traité de la formation du foetus ? Quel est l’enjeu de cette modification ? Pourquoi est-ce L’Homme que Clerselier s’attache à présenter et La Forge à annoter ? La Préface de Clerselier se juge-t-elle uniquement en relation, pour ne pas dire en réaction avec la préface de Schuyl à la traduction latine du traité en 1662 ? Pourquoi ce privilège éditorial accordé à l’annotation de L’Homme, aux dépens du « second traité » ? Quelle est, ou quelles sont les raisons de cette focalisation sur L’Homme ? Est-ce uniquement lié à la question des figures, mise en avant par Schuyl, Clerselier et La Forge ?
Pourquoi le contenu exact du « second traité » est-il ignoré dans la Préface de Clerselier et si peu commenté par La Forge ? Pourquoi ce silence de La Forge sur des paragraphes importants de L’Homme ?
En d’autres termes, nous voulons comprendre comment et pourquoi la manière radicalement nouvelle dont Descartes traite d’importantes questions biomédicales, liées à des enjeux philosophiques, dans L’Homme, et plus encore dans la Description du corps humain, a été escamotée. En effet, l’écart est considérable entre, d’une part, le contenu des deux traités : L’Homme et la Description du corps humain (titre authentique du « second traité »), et d’autre part, la présentation qui en est faite dans les Préfaces de Schuyl et de Clerselier. Ainsi, par exemple, dans les Préfaces, les mots « coeur » et « corps » sont moins présents que le mot « âme », ce qui est pour le moins étrange, sinon paradoxal, car en contradiction avec les textes de Descartes.
L’article propose des éléments de réponses en liaison avec la prochaine publication et l’annotation des deux textes dans la nouvelle édition des Œuvres complètes de Descartes chez Gallimard, collection Tel, volume II. Les réponses sont d’autant plus précises qu’à ces deux textes sont jointes la traduction et l’annotation des inédits latins que sont les Primae cogitationes circa generationem animalium (Premières pensées sur la génération des animaux) et des comptes rendus d’expériences de dissection pratiquées par Descartes, les Excerpta anatomica (cf. AT XI). L’annotation des préfaces de Schuyl et de Clerselier fournit également de précieux indices.
-Une source des textes biomédicaux latins de Descartes, AT XI : les Observationes de Johannes Schenck, in Bulletin Cartésien XLVI, Liminaire III, in Les Archives de philosophie, Janvier-Mars 2017, tome 80, p.152-161.
Présentation : L’édition des Primae cogitationes circa generationem animalium et des Excerpta anatomica, avec traduction intégrale pour le volume II des Oeuvres complètes de Descartes chez Gallimard (coll. Tel), dirigées par J.-M. Beyssade (auquel je souhaite rendre ici un hommage respectueux et reconnaissant pour sa grande générosité intellectuelle) et D. Kambouchner, m’a permis de constater que ces fragments latins divers contenaient, outre des comptes rendus de dissections variées liées à des textes anatomiques et embryologiques précis, des notes de lecture sur des thèmes médicaux. La bibliothèque médicale de Descartes se trouve donc enrichie par l’identification de nouvelles sources. L’une d’entre elles permet notamment d’expliquer la référence « f. 804 » en AT XI, 607, et le nombre « 728 » en AT XI, 644, dans ces fragments recopiés par Leibniz.
Unveiling a significant reference in Descartes’ medical writings : The Observationes by Johannes Schenck, in Bulletin Cartésien XLVI, Liminaire III, p.152-161, in Les Archives de philosophie, Janvier-Mars 2017, vol. 80.
- Introduction à la traduction en langue japonaise des écrits médicaux de Descartes sous la direction du Professeur Hiroaki Yamada, Mars 2017, Tokyo, Hosei Univ. Press (Primae cogitationes circa generationem animalium, Excerpta anatomica, La Description du corps humain). Mon introduction a été traduite en japonais par le Professeur Hiroaki Yamada (University of Nagoya). J’avais communiqué à l’équipe japonaise mes traductions en français des textes médicaux latins (Primae Cogitationes circa generationem animalium, Excerpta anatomica), avec les notes ainsi que mon annotation de la Description du corps humain.
Postface rédigée par le Professeur Chiaki Kagawa.
L’équipe japonaise comprend, outre le Professeur Hiroaki Yamada, les professeurs suivants: Prof. Chiaki Kagawa (Philosophy of Science, Neuroethics and Bioethics, University of Yamanashi), Prof. Dr. Tatsuo Sakai (M.D, Ph.D., Juntendo U.), ainsi que les chercheurs : Sen Takeda (M.D., Ph.D., U. of Yamanashi), Tadashi Sawai (Juntendo U.), Natsume Anzai (Nihon U.).
-Commemorative Session of the publication of the Medical Writings of Descartes, Tokyo, Monday 3rd April 2017 : Réunion à Tokyo, le 3 avril 2017, des collaborateurs de cette édition, et présentation, liée à mon introduction, des principaux points d’intérêt des textes médicaux de Descartes qui viennent de paraître en japonais. Answers to the questions. Le rédacteur en chef de la maison d’édition, M. Masatoshi Goma, participait à cette réunion.
- Texte de mon intervention au Séminaire Descartes, Nouvelles recherches sur le cartésianisme et la philosophie moderne. Mathesis, 8e année. 2016-2017. Samedi 10 décembre 2016. ENS, 46 rue d’Ulm, salle de conférence. Autour de deux ouvrages de Raphaële Andrault, La vie selon la raison. Physiologie et métaphysique chez Spinoza et Leibniz, Paris, H. Champion, 2014, et La raison des corps, mécanisme et sciences médicales,1664-1720, Paris, Vrin, 2016.
Texte sur Academia.
Résumé :
Les deux livres traitent un thème intéressant et ambitieux : la manière d’interroger les corps vivants et la vie, pendant la même période historique 1660-1715, 1664-1720. Sont convoqués des auteurs prestigieux : Spinoza et Leibniz, qui se situent eux-mêmes par rapport à des penseurs illustres : Descartes et son héritage philosophique et médical, Harvey et la réception de sa démonstration du mouvement du cœur et du sang dans les êtres vivants, le De motu cordis et sanguinis in animalibus, publié à Francfort en 1628.
Les deux ouvrages commentent les réactions de Leibniz à la lecture de Stahl, le médecin de Halle. Ils soulignent l’importance des observations microscopiques et insistent sur les apports de Nicolas Sténon (Niels Steensen ou Stensen).
J’ai lu avec intérêt ces deux livres, sur lesquels j’ai de nombreux points d’accord, dont ceux, fondamentaux, qui concernent l’importance de la réception des textes de Harvey et de Descartes, ainsi que des découvertes permises par le perfectionnement des microscopes. Certains thèmes abordés et problèmes soulevés m’ont semblé familiers : « principe de vie », question de l’âme ou des âmes, anatomie, action de la Nature, action créatrice de Dieu, téléologie, finalisme, mécanisme, physiologie, nature musculaire du cœur ou pas, cœur siège de la chaleur ou pas, esprits animaux ou pas, théories de la génération, sans oublier les réflexions sur les sentiments et la douleur. Certaines interrogations rejoignent mes préoccupations : « comment la vie se manifeste-t-elle », comment « reconnaître la vie et la mort ». Des noms de commentateurs récents ne me sont pas étrangers : Jean Rostand, mais plus encore Georges Canguilhem, Mirko Grmek et Jacques Roger, tous cités dans « La raison des corps ».
Mais ce sont deux ouvrages aussi à propos desquels j’ai un même souci : celui de la question des sources. C’est l’occasion de rappeler l’importance des sources en histoire de la médecine et l’intérêt philosophique et médical que l’on peut trouver à étudier le contexte et à remettre des textes en perspective. N’est-ce pas ce qui permet de comprendre l’enjeu des déplacements effectués par Spinoza et Leibniz et de mieux prendre la mesure de leur originalité ? Cela permettra en outre de voir si, entre le premier et le second dix-septième siècle, « les problèmes ont changé ».
Le premier livre La vie selon la raison souligne l’évolution des conceptions de Nehemiah Grew entre l’Anatomy of Plants de 1682 et la Cosmologia sacra de 1701. Évolution chez Grew entre une lecture anatomique utilisant le microscope et une lecture apologétique. Mais l’écart est-il si grand entre les deux publications de Grew ?
J’observe en outre que les deux thèmes sur lesquels le livre insiste, celui de la géométrie dans la nature, et celui de l’anatomie comparée, ne me paraissent pas être des innovations du second dix-septième siècle.
Ce premier livre propose deux auteurs et trois textes : Grew (les 2 livres précités) et Stahl (l’opuscule de 1706 sur De mechanismi et organismi diversitate, partie physiologique de la Theoria medica vera de 1708).
J’avance deux autres auteurs et trois textes dans ma proposition de remise en perspective des textes médicaux avec les textes philosophiques de Spinoza et de Leibniz.
Les auteurs sont :
(1) Robert Hooke, responsable des expériences (Curator of Experiments) faites à la Royal Society dont il est devenu Fellow en 1663, et
(2) Franciscus de le Boë Sylvius, qui est depuis 1658 professeur de médecine à Leyde.
Je pense que la Micrographia de Hooke (Londres, 1665) et les Disputationes de Sylvius (Amsterdam, 1663) expliquent le contexte médical de l’expérience de pensée dans la Lettre 32 du 20 novembre 1665 que Spinoza adresse à Henry Oldenburg, secrétaire de la Royal Society. La Micrographia pour la fiction du vermiculus, petit ver vivant dans le sang, et l’importance des yeux dans les créatures minuscules, les Disputationes pour le vocabulaire plus scientifique de Spinoza et la primauté du sang. Je me demande même si les Disputationes avec leurs débats et le primat accordé aux expériences anatomiques ne sont pas le texte qui a dissuadé Spinoza de s’investir dans des recherches médicales comme Descartes l’avait fait.
Leibniz discute les Disputationes de Sylvius et Leibniz s’intéresse aussi aux questions pathologiques, d’où le troisième texte que j’avance : un deuxième ouvrage de Sylvius : Praxeos medicæ idea nova (1667, 1671).
Ma discussion porte aussi sur des questions anatomiques, celle des esprits animaux dans La vie selon la raison, car Sténon n’est pas le premier à en nier l’existence. Elle concerne aussi, dans La raison des corps, l’anatomie du cœur et la lecture du traité de Harvey de 1628.
En raison de la chronologie adoptée dans les deux livres, La vie selon la raison et La raison des corps, je souligne l’intérêt d’un retour aux sources en histoire de la médecine.
- Sur une prétendue lettre inédite de Descartes à propos de La Description du corps humain et de L’Homme, ou du bon usage des notes marginales de La vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet (2 volumes, 1691), Bulletin cartésien XLVIII, Liminaire III, publié dans les Archives de Philosophie, Janvier-Mars 2019, tome 82, p. 151-155.
On an alleged unpublished letter from Descartes about the Description of the Human Body and the Treatise on Man, a case for the proper use of margin notes in La vie de Monsieur Descartes by Adrien Baillet (2 volumes, 1691), Bulletin cartésien XLVIII, Liminaire III, published in les Archives de Philosophie, January-March 2019, volume 82, p. 151-155.
-Le texte de ma communication « Medicine, Method and Metaphysics : Tradition and Innovation in Descartes’s Medical Works from the Writing of L’Homme to its Posthumous Publications (De Homine, Leyden, 1662 and the Parisian edition of L’Homme by Clerselier in1664 together with La Description du corps humain), est sur Academia depuis le 29 janvier 2020.
Il s’agit de mon intervention à Utrecht, au premier congrès de l’History of Science Society en dehors des Etats-Unis: History of Science Society, Annual Meeting, 23-27 July 2019, Utrecht, the Netherlands, session sur le Traité de L’Homme de Descartes, organisée par Phillip Sloan, le 25 juillet 2019.
Abstract of the paper and paper delivered during the international session planned by Phillip R. Sloan and devoted to Descartes, The Traité de L’Homme and the Cartesianizing of Dutch Medicine, for the History of Science Society Annual Meeting in Utrecht, The Netherlands, 23-27 July 2019. (Session held at the University of Utrecht, Janskerhof, 25 July 2019).
This paper addresses three related topics:
(1) Descartes’ medical sources and aims when he was writing the part of Le Monde (The World) devoted to the study of L’Homme (Man) in the early 1630s.
(2) The significant novelty introduced in the fifth part of the Discourse on Method (1637), where the links between method, medicine and metaphysics were rethought, especially in comparison to Harvey’s treatise On the movement of the heart and blood (De motu cordis et sanguinis in animalibus). Descartes’ influence in medicine through Henricus Regius’medical teaching in Utrecht (Physiologia, 1641).
(3) The primacy given to medicine in the Passions of the Soul (1649), linked with The Description of the Human Body. Finally, I explore the relevance of the publication of the Treatise on Man together with The Description of the Human Body in 1664 in Paris, after the Latin version of the De Homine published in 1662 in Leiden.
-« De toute la nature de l’homme : De L’Homme à la Description du corps humain, la physiologie des Passions de l’âme ». Résumé de l’article paru dans Les Passions de l’âme et leur réception philosophique, ouvrage édité par Giulia Belgioioso et Vincent Carraud, publié en septembre 2020 chez Brepols (Turnhout, Belgique), dans la collection The Age of Descartes, Descartes et son temps.
L’article figure aux pages 67-100.
La première partie des Passions de l’âme s’intitule « Des passions en général, et par occasion, de toute la nature de l’homme ». En utilisant l’expression « la nature de l’homme », Descartes inscrit son étude des passions dans l’histoire de la médecine, puisque l’expression est le titre d’un célèbre traité de la Collection hippocratique commenté par Galien. À la fin du seizième siècle et au début du dix-septième, l’expression « la nature de l’homme » fait florès en médecine dans les livres décrivant les parties du corps humain et les fonctions de l’âme, et interrogeant l’union de l’âme au corps et les perturbations causées par les passions.
Mais en inscrivant son traité des Passions dans l’histoire de la médecine, Descartes rompt avec l’héritage médical et philosophique, poursuit sa réécriture du lien traditionnel entre médecine et méthode et sa refondation de l’anthropologie en soulignant, à un moment clé de l’histoire de la médecine, l’originalité d’une explication des passions « en physicien ».
Avec Descartes, l’analyse des Passions repose sur la connaissance de l’anatomie et des mouvements fondamentaux du corps : ceux du cœur et du sang, détaillés dans La Description du corps humain, version actualisée de L’Homme. Les Passions de l’âme résument la nouvelle médecine incluant la circulation du sang et abordent les questions les plus complexes et controversées ainsi que, discrètement, les thèmes obligés des traités médicaux.
-Le moment cartésien de la leçon d’anatomie : la myologie du dessinateur Sagemolen pour l’anatomiste van Horne, Leyde, 1654-1660. Liminaire III du Bulletin cartésien LI, publié dans les Archives de Philosophie, 2022/1 Tome 85, p.156-164, avec trois reproductions en couleurs, aimablement fournies par la BIUS (Bibliothèque Interuniversitaire Santé, Paris), salle de la Réserve, que je remercie.
- En juin 2016, quatre grands volumes de dessins anatomiques du Siècle d’or hollandais (Ms 27 à 30), ont été identifiés à la Bibliothèque Interuniversitaire de Santé à Paris (B.I.U.S.)[1]. Consacrés à la myologie du corps humain, ils étaient entrés dans les collections le 15 mars 1796 (25 Ventôse an IV) lors de l’acquisition du lot contenant les admirables dessins du peintre Gérard de Lairesse pour l’Anatomia humani corporis du médecin néerlandais Govert Bidloo, éditée à Amsterdam en 1685, plagiée par le chirurgien anglais William Cowper dans Anatomy of the Humane Bodies publiée en 1698 à Oxford et plusieurs fois rééditée.
- Ces volumes contenant 251 dessins annexés aux 126 dessins de Gérard de Lairesse ont été sortis des réserves de la B.I.U.S. et la signature portée sur plusieurs dessins a été identifiée. Le peintre allemand Marten Sagemolen (vers 1620-1669) est l’auteur des dessins, que l’on croyait perdus. Il les a réalisés sous la direction de Johannes van Horne (1621-1670), professeur d’anatomie et de chirurgie à Leyde, pour son projet de grand atlas d’anatomie envisagé dès sa nomination en 1652. Van Horne a étudié la médecine à Utrecht avec Henricus Regius (Hendrik de Roy ou le Roy) et Guilielmus Stratenus (Wilhem van der Straten), après un début à Leyde avec Johannes Walaeus (Jan de Wale). Il a obtenu son doctorat à Padoue, université de la République de Venise, avec Johann Vesling, un des successeurs de l’illustre Fabricius d’Acquapendente. Sa peregrinatio academica l’a conduit à Naples pour étudier avec le chirurgien Marco Aurelio Severino et à Bâle où il a reçu un doctorat honorifique.
- Un double héritage médical est revendiqué en Hollande au dix-septième siècle : (1) celui de Vésale, qui a rénové l’enseignement de l’anatomie avec son traité latin superbement illustré sur la Fabrique du corps humain, préparé à Padoue mais imprimé à Bâle en 1543, (2) celui de Fabricius d’Acquapendente, qui a fondé l’embryologie avec son De formato foetu, remarquablement illustré et publié à Padoue en 1604, un an après l’édition de sa découverte des valvules dans les veines De venarum ostiolis. Fabricius projetait aussi de réaliser un Theatrum totius animalis fabricae. Les planches anatomiques de Vésale et de Fabricius sont diffusées en Europe par Caspar Bauhin de Bâle dans les éditions, en plus petit format, du Theatrum anatomicum (1605, 1620-1621, 1640). Les traités de Vésale, de Fabricius et de Bauhin sont aussi les sources où Descartes a puisé ses connaissances anatomiques avant de lire Harvey et de présenter, dans le Discours de la méthode, une approbation de la circulation du sang dissociée du contexte aristotélicien vitaliste et finaliste où Harvey avait inscrit sa brillante découverte. Après Utrecht, Leyde est un centre cartésien, autrement dit un centre où l’anatomie est étudiée en liaison avec le mécanisme du corps. La méthode cartésienne en médecine est alors reçue par lecture directe et/ou par l’intermédiaire de Regius. Les thèses réunies sous le nom de Physiologia et corrigées par Descartes ont nourri l’œuvre médicale de Regius dès les Fundamenta physices publiés à Amsterdam en 1646. À Leyde, à l’instar de Regius, la physiologie mécaniste est dissociée de la métaphysique, comme le montre le recueil des thèses soutenues dans les années 1660, les Disputationes de Franciscus de le Boë Sylvius, collègue de van Horne. Le titre du résumé d’anatomie de van Horne, publié en 1662, est Mikrokosmos, mais le microcosme du corps humain est présenté sans les correspondances avec le macrocosme, sans le cœur-soleil encore évoqué par Harvey, et sans louanges envers le Créateur ou Natura.
- À Leyde, les dissections et l’observation directe sont les mots d’ordre pour l’étude des mouvements du corps et dans le corps, après les découvertes de la circulation du sang par Harvey et celle des veines lactées par Aselli. Dans ce moment fondamental de l’histoire de la médecine et dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien, l’étude des mouvements du corps est importante mais difficile à enseigner. Comment représenter et expliquer le mouvement à partir d’un corps mort ? La difficulté est accrue par le protocole de la leçon d’anatomie qui conduit à disséquer les membres en dernier, ce qui signifie rigidité cadavérique, rigor mortis, enraidissement des muscles peu après la mort, puis corruption rapide, putréfaction et altération des couleurs. D’où l’utilité de présenter des images des muscles en couleurs dans l’enseignement et pour faciliter la pratique chirurgicale. L’enjeu pédagogique des grands dessins réalisés par Sagemolen pour l’anatomiste van Horne se justifie d’autant plus que les dissections ne sont alors pratiquées que l’hiver pour d’évidentes raisons de conservation des corps (l’été est consacré à la botanique et aux simples pour les remèdes).
- Certains dessins de Sagemolen sont datés : 1654, 1656, 1660. L’université de Leyde avait attribué en 1654 une subvention à van Horne afin de réaliser cet atlas « pour le perfectionnement de l’étude de l’anatomie, l’honneur de l’université et le bénéfice des étudiants en médecine ». Dès février 1652, van Horne avait demandé l’octroi d’une subvention « pour alléger le poids des dépenses engagées dans les dessins d’anatomie qu’il faisait déjà réaliser, ce qu’il allait continuer à faire ». Il avait commencé à travailler avec Sagemolen et montré des dessins aux Curateurs de l’université pour l’obtenir[2]. Le catalogue de la vente de la bibliothèque de van Horne en 1670 précise qu’il s’agit d’une « admirable anatomie des muscles de tout le corps, peinte en couleurs vives ». Les quatre volumes réunissant les dessins de Sagemolen pour l’atlas anatomique de van Horne témoignent de l’importance, de la qualité et de l’originalité du travail effectué à Leyde entre 1654 et 1660.
- Ces dessins sur la myologie du corps humain masculin et les quatre volumes qui les contenaient ont été restaurés avec la Bibliothèque nationale de France et le Centre de recherche et de restauration des musées de France. Une numérisation nouvelle accompagne celle de 2016. Un colloque international a été organisé les 18 et 19 juin 2021, en visioconférence. Une sélection de dessins est exposée au musée d’Histoire de la médecine du 15 novembre 2021 au 15 janvier 2022.
- Si ces albums d’images sont incomplets, comme des séries de dessins, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un document exceptionnel dans l’histoire de l’anatomie pour trois raisons fondamentales : (1) l’ampleur du projet, dans le sillage de celui de Fabricius d’Acquapendente, (2) le respect de l’ordre de la dissection, celui suivi par Caspar Bauhin de Bâle dans son Theatrum anatomicum, (3) l’importance du mouvement et du rôle essentiel joué par les articulations dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien. Cela aboutit au moment cartésien de la leçon d’anatomie en couleurs et en plusieurs séquences.
- Dans l’histoire de l’iconographie anatomique, les dessins de Sagemolen réalisés pour van Horne composent un ensemble admirable, non seulement par leur nombre, leur taille, l’utilisation magistrale de la couleur, mais aussi par la précision du trait d’après nature, le soin mis à décrire avec finesse les muscles et fibres qui les composent. J’ai eu la chance de voir les quatre volumes de dessins au moment de leur découverte en 2016. J’ai immédiatement pensé aux planches de Fabricius et aux Pitture colorate d’anatomia réalisées pour le projet du Theatrum totius animalis fabricae et conservées à la Marciana de Venise et j’ai signalé cette parenté. Parmi les Pitture que Fabricius avait léguées à la République de Venise et autorisé à montrer et à copier, figure une myologie de tout le corps humain, De anatomia musculorum totius corporis, qui accorde une grande place à la représentation précise de la musculature des membres humains, autrement dit à ce qui fait, du point de vue anatomique, la spécificité de l’être humain parmi les animaux et ce qui fonde la dignité de l’homme : la main, célébrée depuis Aristote et Galien, la main dont les médecins rappellent qu’elle est organe de préhension, qu’elle caresse, écrit, dessine, tient le pinceau, ainsi que les instruments pour ouvrir les corps morts afin de dévoiler leurs organes. La main dont les chirurgiens rappellent qu’elle manie notamment le scalpel pour ouvrir les corps vivants afin de leur faire recouvrer la santé, et la scie dans le cas des redoutables amputations. Quant aux pieds, ils assurent la station droite de l’homme, une des manifestations de la singularité, de « l’excellence » et de la dignité du corps humain au sein de la Création.
- Les dessins de Sagemolen font revivre Fabricius – Fabricius redivivus – en donnant à voir les muscles grâce à leur représentation précise d’après nature, en grand format et en couleurs. Mais il y a plus, puisque Sagemolen dessine non seulement les muscles et leur insertion sur les os, mais qu’il donne aussi à voir les conditions du mouvement en montrant les articulations, sur lesquelles ils s’insèrent. Fabricius avait insisté sur les articulations dans son traité de 1614, un in-quarto sans illustration, De musculi artificio, de ossium de articulationibus. L’étude des articulations est importante dans l’essor de la connaissance anatomique et essentielle pour guider les gestes du chirurgien, notamment dans les amputations à la suite de blessures ou de la progression de la gangrène, thèmes alors fréquents dans les traités de chirurgie. Fabricius avait aussi étudié les différentes sortes du mouvement local chez les êtres vivants dans son traité sans planches anatomiques, le De motu locali animalium, De gressu in genere, publié à Padoue en 1618, où il avait examiné non seulement les mouvements liés à la marche sur la terre, mais aussi le vol des oiseaux dans l’air, le déplacement des aquatilia dans l’eau. Selon Fabricius, le muscle comporte deux parties : l’une qui doit être assez forte pour mouvoir l’os et l’autre pour permettre la contraction, qui est le propre du muscle, son action. Et l’extrémité des membres inférieurs et supérieurs, autrement dit le pied et la main entraînent respectivement la jambe et la cuisse, et l’avant-bras et le bras.
- Les dessins de Sagemolen tiennent aussi compte de la remise en ordre imposée par Caspar Bauhin dans son Theatrum anatomicum (1605, 1621, 1640) par rapport à la Fabrica de Vésale : une présentation qui respecte l’ordre de la dissection et qui, par conséquent présente les muscles avant les os, la myologie avant l’ostéologie. Dans le De humani corporis fabrica de Vésale, les squelettes articulés précédaient les écorchés. Van Horne est également attentif au soin apporté par Bauhin à la description des muscles et à leur classification. Mais il y a plus : avec Sagemolen pour l’atlas de van Horne, ce qui est nouveau dans l’iconographie anatomique c’est, avec le prélèvement des muscles un par un dans une dissection méthodiquement conduite, la représentation du mouvement.
- Dans l’album Ms 29, la date de 1654 est reportée sur deux superbes dessins mis en couleur : l’un du membre inférieur, l’autre du membre supérieur. Ces dessins inaugurent des séries depuis la myologie dessinée avec précision jusqu’à l’ostéologie. La représentation du membre inférieur sur cette planche frappe d’emblée par son originalité, puisque ce qui est montré, c’est le mouvement du membre inférieur et sa dynamique, grâce à une représentation en diagonale, talon soulevé, articulation du genou d’autant plus visible qu’elle comporte un volet de papier qui se soulève, laissant voir l’insertion des muscles sur les os. C’est le mouvement de la marche qui est ainsi exposé, selon les modalités mêmes de l’inscription du membre inférieur sur la grande feuille de papier. Sagemolen a aussi inséré les volets placés au niveau de l’articulation du genou dans des dessins du Ms 27 représentant les écorchés debout, de dos, pieds posés à plat, dessins préparatoires à ceux de l’album très grand format Ms 30.
- La représentation du membre supérieur sur le dessin daté et signé de l’album Ms 29, montre également la dynamique du mouvement, grâce à une composition en diagonale de l’épaule à la main avec les articulations du coude et du poignet bien visibles. La main, signe anatomique de la perfection de l’homme, dans la partie inférieure de la superbe diagonale qui divise et anime les dessins. La composition en diagonale diffère de la présentation verticale traditionnelle des membres, que Sagemolen a aussi utilisée avec talent. Les albums Ms 28 et 29 comportent en outre des dessins avec l’ajout de feuillets pour montrer l’amplitude du mouvement du membre supérieur en semi-extension.
- L’un des dessins de l’album Ms 28 sur la myologie de l’épaule, du bras, de l’avant-bras et de la main, est signé par le dessinateur et porte la date de 1656. Il s’agit encore, en diagonale, de montrer la dynamique du mouvement permise par les muscles insérés sur les articulations du membre supérieur, de l’épaule, du coude, du poignet. Insister sur la main, en proposant ces séries selon la même séquence temporelle et visuelle allant de la myologie à l’ostéologie, avec les articulations de l’épaule, du coude et du poignet bien visibles, c’est donner à voir les conditions du mouvement du membre supérieur. C’est montrer ce qui distingue l’homme des autres animaux, ce qui fonde sa dignité depuis Aristote, thème que Galien a amplifié au début de son célèbre traité De usu partium, Sur l’usage des parties (du corps humain), comme le rappellent Bauhin[3] et ses confrères.
- Une troisième indication chronologique figure dans le vaste ensemble de dessins. Comme pour l’année 1654, la nouvelle date est inscrite dans l’album Ms 29. C’est celle de 1660, reportée plusieurs fois sur les dessins, avec la signature de Sagemolen, dans des séries incomplètes qui concernent exclusivement le membre inférieur et totalisent 13 dessins. Ces dessins, qui vont de la myologie à l’ostéologie, tranchent par rapport à l’ensemble parce que la mise en couleur rouge, totale ou partielle des muscles, a été abandonnée. En 1660, il s’agit toujours de magnifiques dessins, mais en grisaille, à l’encre noire avec rehauts de blancs. Le mouvement reste la préoccupation, comme le montre le volet inséré qui découvre l’articulation du genou dans le dessin portant le n°2, représentant la face postérieure du membre inférieur.
- Les dessins de Sagemolen révèlent la dynamique du mouvement, avec l’utilisation remarquable de ces trois procédés : (1) l’ajout de feuillets pour montrer l’amplitude du mouvement, celui du membre supérieur en semi-extension, (2) la composition en diagonale du membre supérieur de l’épaule à la main avec les articulations bien visibles, (3) cette composition en diagonale se double, pour le membre inférieur, de l’insertion de volets qui se soulèvent au niveau de l’articulation du genou pour en découvrir les os, et qui montre le talon décollé du sol pour illustrer la marche.
- Pour des causes qu’il reste à élucider, l’année 1660 marque la fin de la collaboration entre van Horne et Sagemolen et le renoncement à la publication de l’ambitieux atlas anatomique. Mais les albums de la B.I.U.S. conservent la plus grande partie de ce remarquable travail. Ils comportent plusieurs strates de numérotation des dessins et d’identification d’éléments relatifs à la nomenclature musculaire. Ils offrent à la fois les dessins préparatoires avec nomenclature latine, commentaires en néerlandais et parfois ratures, et leur version achevée dans les albums Ms 28 et 30. Ils témoignent des dialogues fructueux échangés pendant plus de six ans entre l’anatomiste et le dessinateur pour parvenir à la représentation et à l’identification précises de l’ensemble des muscles du corps humain, avec rigueur, clarté et beauté.
- Si des dessins ont été arrachés, l’ensemble constitue néanmoins un témoignage unique dans l’histoire de l’anatomie et dans la représentation du mouvement dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien. Car ce qui est remarquable dans les dessins de Sagemolen, c’est qu’ils montrent matière et mouvement, corps humain et mouvement, autrement dit qu’ils illustrent le mécanisme cartésien, le mécanisme de la machine du corps, avec ce corps présenté tel quel, sans qu’il s’inscrive dans un décor, comme celui des douces collines de Vénétie dans la Fabrica de Vésale. Sagemolen montre un corps dont les muscles sont identifiés et ôtés progressivement, un par un pour parvenir aux os, un corps qui est présenté sans mise en scène, sans érotisme morbide, sans écorché exhibant ses muscles avec des gestes évoquant une scène de striptease, comme dans l’édition posthume des Tables anatomiques, les Tabulæ anatomicæ du successeur de Fabricius à Padoue : Casserius, publiées à Venise en 1627, rééditées à Francfort en 1632, puis par Spigelius (Adriaan van den Spiegel) à Amsterdam en 1645.
- Les écorchés de Sagemolen sont montrés sans théâtralisation de la phase préliminaire à l’exhibition de la musculature : l’enlèvement de la peau. Ce thème figurait sur une page dans le Theatrum anatomicum de Bauhin, et il a été repris dans le fameux frontispice de la nouvelle édition de l’Anatomia de Caspar Bartholin actualisée par son fils Thomas et publiée à Leyde en 1651 avec la peau suspendue au niveau des épaules sur deux clous plantés dans un cadre, la tête inclinée, sous laquelle sont imprimés les noms des auteurs et le titre du traité.
- La myologie de Sagemolen pour van Horne illustre une nouvelle étape dans la compréhension et la représentation du corps : celle où il faut répéter les dissections pour s’approcher au plus près de la conformité entre le dessin coloré en grand format et le corps offert à la dissection. Ces gestes aboutissent au démontage de la machine du corps d’une manière remarquable et inédite. L’album Ms 30 est à cet égard un document exceptionnel, et pas seulement par la grande taille des dessins colorés avec une précision admirable. Il offre pour la première fois dans l’histoire de l’iconographie anatomique le démontage du corps dans le contexte de la réception du mécanisme cartésien.
- Si le dernier des huit dessins représentant la myologie du corps masculin entier de face évoque l’écorché représenté sur la planche 7 de la Fabrica de Vésale, sa signification avec Sagemolen pour l’atlas anatomique de van Horne devient différente puisque cet écorché est montré sans décor, sans l’effet dramatique que produit chez Vésale la corde passée au niveau des orifices de la face et de l’omoplate retenant le corps qui s’affaisse près du mur parfaitement rectiligne. Le beau paysage de collines avec villes, ruines, arbres qui accompagnait les six écorchés dans les pages précédentes de la Fabrica et qui se poursuit dans les planches 9 à 13, a laissé place, pour cette planche et la suivante, à un sol irrégulier avec graviers et maigres herbes poussant près du pied gauche de l’écorché, ce qui accentue le côté dramatique de la mise en scène. Un écho de la planche 8 se retrouve chez Sagemolen avec le dessin représentant l’insertion des côtes, sur la droite de l’écorché, qui chez Vésale a conservé ses bras. Les gravures des écorchés chez Vésale s’achèvent sur la planche 14, avec l’écorché sans bras dont une grande partie du squelette est visible[4]. Cet écorché est représenté en train de s’agenouiller sur une pierre angulaire sans inscription, aux contours parfaitement rectilignes, mais sur laquelle est posé un crâne, que viennent entourer les genoux osseux de l’écorché. Le crâne, face postérieure avec ses sutures, est d’autant plus visible qu’il est comme encadré par les fémurs décharnés. Les fémurs et les crânes humains, memento mori souvent représentés dans les traités d’anatomie et pas seulement sur les pierres tombales ou les stèles funéraires.
- Dans l’album Ms 30, il n’y a aucune mise en scène, aucun paysage dans les grands dessins colorés du nu masculin et des écorchés, aucun memento mori. Ces dessins se concentrent sur une séquence de prélèvement des muscles du corps entier méthodiquement conduite. Cette séquence se déroule en huit grands dessins et commence avec la présentation du nu masculin, de face, avec le talon gauche soulevé du sol et le bras droit en semi-extension. Son visage calme, entouré par des cheveux noirs aux mèches en mouvement, est légèrement tourné et son regard suit la main qui montre une chose hors cadre, mais à hauteur d’homme, que désigne le mouvement de sa bouche, lèvres ouvertes, dentition parfaite, dans une attitude confiante.
- La séquence méthodique se poursuit avec les dessins des sept écorchés dont les muscles sont progressivement enlevés. Cinq écorchés ont le haut du visage : front, yeux et nez, recouvert d’un linge comme cela arrivait dans les leçons publiques d’anatomie. Ce linge est fait de la même étoffe souple (du lin peut-être) que celle qui entoure le bas du dos dans les dessins de la myologie du torse et du bras avec volet qui se déplie dans l’album Ms 28. C’est le seul accessoire présent sur l’ensemble des dessins.
- Dans le grand album Ms 30, les dessins des deux premiers écorchés aux visages cachés ont une particularité : ils présentent deux visages dessinés à côté de leur flanc droit, au niveau des hanches. Ces deux visages ont des expressions différentes : yeux mi-clos, lèvres closes pour le premier dans une attitude apaisée qui contraste avec celle, crispée du second visage : regard fixe, yeux grands ouverts, comme la bouche qui découvre la dentition et l’absence d’une dent sur la mâchoire supérieure. La musculature du second visage est contractée, pouvant exprimer l’étonnement, voire la peur. Ces deux planches de grande qualité sont d’une profonde originalité.
- Il est passionnant de comparer ces écorchés avec les dessins préparatoires de l’album Ms 27 et d’observer la mobilité des traits du visage dans l’album Ms 28. En effet, même dans la manière d’ôter un à un les muscles de la face, les visages conservent leur mobilité dans les 14 dessins de l’album Ms 28. Ces dessins sont répartis en deux séries, puisque huit planches sont dessinées sur des petites feuilles numérotées à la plume de 1 à 8 et collées. Sagemolen montre le visage humain sur lequel on lit les expressions, voire les passions, comme Descartes l’a souligné dans son traité en français de 1649, imprimé à Amsterdam, réimprimé dès l’année suivante qui a aussi vu paraître sa traduction en latin à nouveau chez L. Elzevier. Le visage est, avec les membres, l’autre grand trait anatomique distinctif entre l’homme et les animaux.
- Dans l’album Ms 30, les muscles du visage du sixième écorché ont été enlevés. Cet écorché est présenté sans ses bras, mais le membre supérieur droit dont la dissection se poursuit, s’inscrit sur le dessin, à la droite du corps disséqué. Le dernier écorché, sans bras, est toujours droit sur ses pieds, face dessinée de profil, mâchoire supérieure aux dents alignées, clavicule en saillie, articulations de la hanche et du genou bien visibles. Une partie du mollet et le pied droit de cet écorché sont cachés par trois pièces anatomiques prélevées et disposées en triangle sur une souche aux contours irréguliers : sur la gauche du spectateur les articulations du coude et du poignet avec leurs os et ceux de la main. Dans le prolongement de la main, qui porte encore les muscles interosseux dorsaux, est posée une moitié de la cage thoracique avec ses douze côtes et muscles intercostaux, dont la concavité avait abrité et protégé les parties vitales : le cœur avec son mouvement alimenté par la circulation du sang, les poumons avec le mouvement de la respiration. En arrière-plan, la partie osseuse et musculaire où, comme sur la planche 8 de l’écorché chez Vésale, mais de manière isolée, s’inséraient les sept « vraies » côtes, jointes au sternum. Les autres, flottantes, « illégitimes ou fausses », n’atteignant pas l’os de la poitrine, étant représentées sur la moitié de cage thoracique. Sagemolen offre une séquence anatomique parfaitement cohérente jusque dans la dernière planche des écorchés.
- Le squelette articulé qui suit est d’une grande sobriété : il est droit, il ne porte pas de bannière rappelant la brièveté de la vie comme sur les gravures du théâtre d’anatomie de Leyde en 1609-1610 et sur celle de la leçon d’anatomie de Paaw (Pavius) en 1615, reprise en 1616. Ses orbites vides ne fixent pas le sablier tenu dans sa main gauche tandis que ses mâchoires sont largement ouvertes, comme dans une des gravures de Bauhin[5]. Ce squelette ne tient pas non plus de bêche et les os de sa face n’esquissent pas de grimace, comme c’était le cas pour la première planche dans la Fabrica de Vésale[6]. Dans l’album Ms 30, la séquence du démontage de la machine du corps se poursuit par les dessins concernant la face postérieure. Elle commence avec le nu masculin, cheveux noirs ébouriffés, tenant dans sa main gauche un bâton, et se poursuit en dix moments grâce aux dix dessins mis en couleurs, suivis par celui d’un squelette articulé, également d’une grande sobriété. Les trois premiers écorchés ont des volets qui se soulèvent au niveau de l’articulation du genou.
- La myologie de Sagemolen pour van Horne donne à voir le moment mécaniste, le moment cartésien de la compréhension des mouvements du corps humain grâce à la représentation très fine des muscles du corps et de la face, grâce aussi à la présentation de leur insertion précise sur les os et, pour les membres, sur les articulations. La myologie dessinée par Sagemolen pour van Horne est, dans cette leçon d’anatomie actualisée en superbes images colorées, un témoignage de la réception du mécanisme cartésien à Leyde.
- Ce moment cartésien du démontage de la machine du corps se prolonge à Leyde en 1662 avec la première édition de L’Homme de Descartes dans la traduction latine de Florent Schuyl, le De Homine, avec des gravures remarquables, dont une qui montre le cœur, principe de vie et principe du mouvement, comme on ne l’avait jamais vu représenté en anatomie. Cette planche est reprise et précisée dans le premier feuillet mobile qui se déplie et montre un cœur aux parois ventriculaires sectionnées, laissant apercevoir, de chaque côté, sous les rabats qui se soulèvent[7], les valvules cardiaques, qui, comme les valvules des veines, imposent un sens à la circulation du sang.
- Les Actes du colloque international des 18 et 19 juin 2021 organisé par la BIU Santé Médecine (Paris) et la BNF, et qui s’est déroulé sur Zoom, ont été publiés ligne sur le site de la BIU Santé Médecine le jeudi 22 septembre 2022 : https://doi.org/10.53480/van-horne.6c30
- Quatre atlas de myologie de Van Horne et Sagemolen, Approche pluridisciplinaire des dessins inédits du Siècle d’or néerlandais, Sous la direction de Jean-François Vincent et Isabelle Bonnard. Université Paris Cité. Lieu d’édition : Paris ; Année d’édition : 2022.
Mon article: « Les dessins inédits prévus pour l’Atlas anatomique de Van Horne et Sagemolen ou Fabricius ab Aquapendente redivivus : de Padoue à Leyde, la question du mouvement, de son enseignement et de sa représentation » y figure aux pages 187 à 259.
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https://doi.org/10.53480/van-horne.d8819d
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- The proceedings of the international symposium organized by the Bibliothèque interuniversitaire de santé and the Bibliothèque nationale de France, held online (18 and 19 June 2021) on zoom about the
- Four myology books from the Dutch Golden Age
- have been published online (22 September 2022), edited by Jean-François Vincent and Isabelle Bonnard. Université Paris Cité.
- You can find the proceedings at the following address:
- https://doi.org/10.53480/van-horne.6c30
- Quatre atlas de myologie de Van Horne et Sagemolen : approche pluridisciplinaire de dessins inédits du Siècle d'or néerlandais
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- You can find my paper in French about Sagemolen’s drawings for Van Horne’s Anatomical Atlas or Fabricius ab Aquapendente redivivus : from Padua to Leiden, the question of the movement, of its teaching and of its representation, pp. 187-259.
- Les dessins inédits prevus pour l'Atlas anatomique de Van Horne et Sagemolen ou Fabricius ab Aquapente redivivus : de Padoue à Leyde, la question du mouvement, de son enseignement et de sa représentation
- Annie Bitbol-Hespériès
- https://doi.org/10.53480/van-horne.d8819d
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- These drawings - rediscovered in June 2016 at the BIU Santé Médecine in Paris - were made between 1654 and 1660 for Johannes Van Horne (1621-1670), professor of anatomy in Leiden, by the painter Marten Sagemolen.
- About these drawings and the Cartesian legacy in medicine at the University of Leiden, see also my paper written in French - above and also on Academia - about The Cartesian moment of the anatomy lesson : Sagemolen’s myology for the anatomist van Horne, Leiden, 1654-1660 : « Le moment cartésien de la leçon d’anatomie, la myologie du dessinateur Sagemolen pour l’anatomiste van Horne, Leyde, 1654-1660 », first published in the Bulletin cartésien LI, Archives de Philosophie, 2022/1, tome 85, p. 156-164.
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- About the BIU Santé in Paris, see my following paper in honor of Medica on the website of the BIU Santé Médecine : Hommage à Medica, collection numérique patrimoniale de la Bibliothèque Interuniversitaire de Santé, first published in November 2020 on the Guestbook : Livre d’or du Blog Actualités de la BIU Santé, to celebrate 20 years of Medica, the heritage digital collection of the Interuniversity Health Library (BIU Santé) ; Histoire de la Santé, Réserve.
- Texte publié en novembre 2020 sur le Livre d’or du Blog Actualités de la BIU Santé pour célébrer les 20 ans de Medica, collection numérique patrimoniale de la Bibliothèque Interuniversitaire de Santé (BIUS), Université de Paris.
- « Je suis venue travailler à la réserve de la Bibliothèque (alors la BIUM) il y a plus de vingt-cinq ans, pour consulter les deux éditions du Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin. Ce traité illustré du grand professeur d’anatomie à Bâle, publié en 1605 à Francfort, complété en 1621, suit l’ordre de la dissection dans un Théâtre anatomique. Il offre, sous un format réduit et en les actualisant des gravures issues de la rénovation de l’iconographie anatomique inaugurée par la publication du grand traité d’André Vésale en latin sur la Fabrique du corps humain (1543).
- J’ai ensuite régulièrement fréquenté la salle de la réserve, où j’ai trouvé des conditions de travail optimales pour mes recherches, non seulement en raison de la richesse des collections historiques bien conservées, mais encore grâce à la compétence et à la disponibilité des conservateurs et bibliothécaires qui se sont succédé, sans oublier l’efficacité des magasiniers. Comme la plupart des lecteurs maintenant, j’y viens avec mon ordinateur. Mais il y a plus de vingt-cinq ans, ce n’était pas le cas et je prenais des notes au crayon, sur des feuilles de papier.
- C’était avant la création de la formidable collection Medica (Medic@), qui est vite devenue une référence internationale. La mise en ligne intégrale d’ouvrages patrimoniaux consultables à tout moment fait revivre à distance les livres précieux. C’est une chance pour tous ceux dans le monde qui s’intéressent à l’histoire de la médecine. Outre la conversion en format électronique d’ouvrages imprimés souvent reliés et ayant appartenu à des propriétaires prestigieux, cette bibliothèque virtuelle propose des collections regroupant les livres électroniques dans des dossiers thématiques.
- Parmi les ressources offertes par cette bibliothèque numérique, j’apprécie particulièrement le dossier thématique sur la Mélancolie présenté par Jean Starobinski, qui fut un célèbre professeur de littérature française à l’université de Genève, mais aussi un médecin psychiatre chargé d’enseignement en histoire de la médecine, et un fin musicologue. Je me souviens de la satisfaction de Monsieur Cobolet, qui dirigeait alors la bibliothèque, lorsqu’il m’a annoncé que le prestigieux auteur de la thèse de médecine sur l’Histoire du traitement de la mélancolie avait accepté de proposer une introduction sur ce thème. Depuis l’Antiquité grecque, de nombreux traitements visaient à guérir cette pathologie complexe mettant en jeu la relation entre l’esprit et le corps, ou entre l’âme et le corps et pouvant ouvrir vers le génie ou conduire à la folie. Il s’agissait notamment de réguler la célèbre bile noire puisque telle est la signification du mot mélancolie, issu de la langue grecque. La bile noire -imaginaire mais illustre dans la tradition médicale et chez les philosophes- était une des quatre humeurs définissant la Nature de l’homme dans la Collection hippocratique, avec le sang, le phlegme ou pituite, et la bile jaune. Pour chasser l’excès de bile noire, les prescriptions citaient le népenthès, breuvage à base de plantes à la composition variable, censé dissiper la tristesse et apporter l’oubli, mais aussi la musique, ainsi que les voyages pour chasser le spleen des aristocrates anglais, puis des patients huppés, sans oublier la prise d’hellébore, plante aux propriétés purgatives réputée pour soigner la folie. Comment guérir la mélancolie et ses degrés : l’hypocondrie, la dépression, la folie ? Où situer l’origine de cette pathologie pour prescrire des thérapeutiques adaptées ? Ne s’agit-il pas d’une affection essentiellement psychique qui appelle des remèdes psychologiques et la création d’une nouvelle catégorie de thérapeutes : les psychiatres ? Ce qui est intéressant dans la présentation de Jean Starobinski, c’est l’hommage qu’il rend au livre Saturne et la mélancolie par Raymond Klibansky, Erwin Panofsky et Fritz Saxl, ouvrant ainsi la médecine humorale traditionnelle sur la peinture (Dürer et sa gravure Melencolia I) et rappelant le lien que la médecine a longtemps entretenu avec l’astrologie.
- Parmi les documents électroniques mis à disposition des lecteurs internautes par Medica figurent aussi les gravures, illustrations et portraits présentés dans la banque d’images qui s’enrichit régulièrement.
- La consultation de livres électroniques est particulièrement appréciable en temps de confinement, et devient une ressource indispensable lorsque l’éducation à distance se répand dans l’enseignement supérieur en raison de la pandémie. J’offre mes meilleurs souhaits de bon anniversaire à Medica pour ses vingt ans dans un contexte sanitaire particulier. Je lui souhaite longue vie.
- Mais j’attends avec impatience la fin du deuxième confinement pour retourner dans la salle de la réserve de la BIUS, y être entourée par de vrais livres reliés posés sur d’élégants rayonnages, au-dessous des portraits de médecins célèbres, et avoir le bonheur de discuter avec les bibliothécaires : n’est-ce pas cela aussi la vie d’une bibliothèque ? ».
- Introduction à et annotation de La vie de Monsieur Descartes en deux parties par Adrien Baillet (Paris, D. Horthemels, 1691, deux volumes) pour l’édition japonaise de cette biographie de référence traduite par Messieurs Hiroaki Yamada, Chiaki Kagawa, Yusuke Imai et Toshiya Ozawa, publiée à Tokyo chez Kousakusha le 24 février 2022.
- Présentation de l’édition critique de La vie de Monsieur Descartes en deux parties par Adrien Baillet (Paris, D. Hortemels, 1691, en deux volumes), publiée aux Belles Lettres dans la collection Encre Marine, le 21 octobre 2022. Introduction et annotation par Annie Bitbol-Hespériès.
Le 21 octobre 2022,
publication de l’édition annotée de
La Vie de Monsieur Descartes
par Adrien Baillet,
aux Belles Lettres,
collection « Encre Marine »
dirigée par Jacques Neyme.
On October 21, 2022, publication of the first annotated edition of the great biography of René Descartes: La Vie de Monsieur Descartes by Baillet, (Paris, Les Belles Lettres, collection Encre Marine).
Cette édition est liée à une traduction en langue japonaise publiée fin février 2022, chez Kousakusha à Tokyo. L’initiative du projet éditorial en langue japonaise revient aux professeurs Hiroaki Yamada et Chiaki Kagawa, les traducteurs, avec lesquels j’avais eu l’honneur et le bonheur de travailler sur l’édition des Écrits médicaux de Descartes, publiés en 2017, chez Hosei University Press.
Après l’édition japonaise de Baillet, à laquelle j’ai participé pour l’introduction et l’annotation, voici l’édition française, parue le 21 octobre 2022 aux Belles Lettres, dans la collection « Encre Marine », dirigée par Jacques Neyme.
Le livre est imprimé à l’encre bleu marine sur papier bible.
Cette édition critique réunit en un fort volume relié de 1312 pages (plus l’introduction), les deux parties de La Vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet publiées en deux tomes en 1691 à Paris, chez Daniel Horthemels.
Le texte d’origine est intégralement repris avec les notes de Baillet, complétées par mon annotation.
Un cahier iconographique original de 16 pages est inséré entre les deux parties (cahier de fac-similés).
Un index complémentaire a été ajouté à l’ample Table des matières de chaque partie dans l’édition originale.
Introduction et annotations par Annie Bitbol-Hespériès
Introduction (p. IX-XLVIII) :
I) Présentation de Baillet :
A) Biographie d’Adrien Baillet
B) Un bibliothécaire érudit, pieux, consciencieux et novateur dans une maison illustre : celle de la famille Lamoignon
C) Des fiches analytiques précises et un catalogue qui nourrissent des livres : Baillet auteur et historien
II) Baillet et sa biographie de Descartes :
A) Le contexte et la présentation des livres de Descartes
B) L’enjeu du livre de Baillet et les sources
C) Le récit de la vie privée de Descartes
D) Le récit de la vie publique de Descartes
E) En guise de conclusion.
Table des matières de Baillet :
Première
partie
Épître
à Monseigneur le Chancelier
Préface
Table des
chapitres de la Première partie
Table chronologique de la
vie de M. Descartes
Addition à la vie de M.
Descartes
Avertissement
Privilège du
Roi
Livre I
Livre II
Livre
III
Livre IV
Table des matières (Index de
Baillet)
Index
complémentaire
Cahier
de fac-similés
Seconde
partie
Table
des chapitres de la Seconde partie
Livre V
Livre
VI
Livre VII
Livre VIII
Dernière
addition de Baillet (1691)
Table des matières (Index de
Baillet)
Index
complémentaire
Présentation de l’édition :
La première partie de la grande biographie de Descartes par Adrien Baillet comprend quatre livres qui vont de la généalogie de Descartes et de l’état des sciences, lettres, droit, philosophie, médecine, mathématiques, etc., au moment de la naissance de Descartes jusqu’à la publication en 1637 à Leyde, sans nom d’auteur, du Discours de la méthode et des trois Essais scientifiques que sont la Dioptrique, les Météores et la Géométrie.
Cet écrit novateur en français suscite des controverses : celle avec le médecin Plempius (Plemp) sur le mouvement du cœur et la circulation du sang, exposés dans la cinquième partie du Discours de la méthode, où Descartes s’est rallié à la brillante démonstration de la circulation du sang par le médecin anglais William Harvey. Controverse aussi avec Fromondus (Froidmont) sur l’analyse novatrice des sensations, notamment la douleur, proposée dans la Dioptrique, où Descartes met en avant le rôle des nerfs. Controverse avec Fermat sur la Dioptrique et la Géométrie. Baillet souligne dès ce moment le rôle actif et efficace du Père Mersenne dans les échanges intellectuels et la confrontation des idées.
Entrent en scène à la fin du livre IV, Roberval et Pascal père et fils, autrement dit Étienne Pascal et son génial fils Blaise, âgé de 16 ans et auteur d’un traité des coniques, où Descartes perçoit l’influence de Desargues. Baillet détaille ensuite le rôle de Blaise Pascal, d’abord de façon anonyme puis sous le pseudonyme de Louis de Montalte, dans la controverse - plus tardive - qui a enflammé les mathématiciens et géomètres européens sur la roulette ou cycloïde ou trochoïde.
La seconde partie comprend également quatre livres. Elle s’ouvre sur la réception du Discours de la méthode et des Essais dans la jeune université d’Utrecht, en Hollande. Ce point est important : Utrecht est la première université cartésienne dès 1638-1639, avec le recrutement du médecin Henricus Regius, (Hendrik de Roy ou le Roy).
Cette seconde partie présente l’élaboration des nouvelles œuvres de Descartes, leur contenu, les modalités de leurs publications et leur réception : Méditations métaphysiques, Principes de la philosophie - éditions latines et françaises - puis traité des Passions de l’âme, publié au moment du départ de Descartes pour la Suède, où il va mourir quatre mois après son arrivée à la Cour de Christine, la souveraine de Suède.
Baillet expose en détail les circonstances de la mort de Descartes et son enterrement. Il décrit le monument avec son épitaphe, puis les tribulations des restes de Descartes entre Stockholm et Paris, avec la cérémonie du transfert de ces restes à l’église Sainte Geneviève du Mont en 1667.
Baillet souligne l’importance des publications posthumes des œuvres de Descartes et leur réception : L’Homme dans la traduction latine de Schuyl, le De Homine, publié à Leyde en 1662, L’Homme et un Traité de la formation du fœtus (=La Description du corps humain), L’Homme et Le Monde, dans les éditions parisiennes de Clerselier, publiées en 1664, ainsi que les éditions de la correspondance de Descartes.
Baillet rend vivants les débats entre Cartésiens, et expose la diffusion et la réception du cartésianisme.
Il me semblait important de transmettre cette Vie de Monsieur Descartes en modernisant l’orthographe et en explicitant et discutant les sources variées citées par Baillet en marge de son texte. Les lecteurs contemporains doivent avoir accès à cet écrit majeur du xviie siècle sur René Descartes, ses livres publiés et ses manuscrits dont certains ont été perdus, raison pour laquelle Baillet reste une source irremplaçable.
C’est le cas notamment pour le fameux récit des songes de novembre 1619 qui ouvre le livre II de la première partie. Il s’agit du fameux registre en parchemin, mentionné dans l’Inventaire de Stockholm, sous la lettre C, registre qui contenait les écrits relatifs à la vocation de Descartes.
Baillet reste la seule source pour ce moment où Descartes, le 10 novembre 1619, seul et « s’étant couché tout rempli de son enthousiasme, & tout occupé de la pensée d’avoir trouvé ce jour-là les fondements de la science admirable [...] eut trois songes consécutifs ». Baillet indique un an plus tard, en 1692, dans l’Abrégé de la vie de M. Descartes (qui lui a été réclamé), le lieu de cette halte : « le Duché de Neubourg sur les bords du Danube ».
Cette transmission de la grande biographie de Descartes est d’autant plus importante que Baillet cite avec talent la vaste correspondance de Descartes. Mais Baillet fait aussi entendre d’autres voix que celle de Descartes en se référant de manière virtuose et pertinente à d’autres lettres, en particulier celles de Mersenne, de Gassendi, de Fermat, de Saumaise et de Sorbière – qui éclairent des thèmes philosophiques et scientifiques. Baillet cite également les lettres de Chanut, ambassadeur de France en Suède, qui précisent le portrait de la reine Christine et les récits sur la mort de Descartes à Stockholm, le 11 février 1650.
Dans cette édition critique, nous avons modernisé l’orthographe, mais nous avons souhaité que la présentation matérielle fasse écho à la publication originale en reproduisant de nombreux fac-similés, en recomposant les lettrines en début de chapitre et en maintenant les guillemets en marge des pages pour mettre en valeur les nombreux extraits de la correspondance de Descartes cités par Baillet, comme c’était le cas au dix-septième siècle.
Nous avons gardé, le plus souvent, le style de la mise en page et la typographie d’origine, mais en modernisant les caractères anciens ; nous avons respecté les variantes orthographiques des noms propres : en effet, comme c’était alors l’usage, Baillet francise les noms propres d’origine étrangère, qu’il s’agisse de personnes ou de villes : nous donnons dans les notes et les index complémentaires leur graphie originale et certaines variantes orthographiques ; nous avons rétabli la ponctuation telle qu’elle est utilisée aujourd’hui – en particulier l’usage des virgules.
Les notes ajoutées en bas de page ont pour but :
- de clarifier les questions de vocabulaire et expressions désuètes,
- d’expliciter les remarques allusives et les notes marginales figurant en abrégé dans l’édition originale et d’insérer les appels de notes à leur place dans le texte,
- d’identifier les références des textes et citations de Descartes avec les éditions de ses Œuvres par Charles Adam et Paul Tannery (AT) chez Vrin (11 tomes) et l’édition en cours de publication chez Gallimard, collection Tel, sous la direction du regretté Jean-Marie Beyssade et de Denis Kambouchner. La confrontation des sources permet tout d’abord de préciser les dates et les destinataires des nombreuses lettres citées par Baillet qui s’appuie sur les trois volumes de la correspondance de Descartes publiés par Claude Clerselier entre 1657 et 1667, où manquent les noms de nombreux destinataires et les dates des lettres. Elle permet ensuite d’éclairer les enjeux philosophiques, scientifiques, religieux, polémiques, politiques de ces échanges épistolaires.
- d’expliciter les références aux autres correspondances utilisées par Baillet, notamment les éditions des Lettres de Gassendi et des réponses (Epistolæ publiées dans le tome VI des Opera omnia, Lyon, 1658), les lettres de Mersenne, ainsi que celles de Claude Saumaise et de Samuel Sorbière par exemple.
- d’identifier et de commenter les nombreux autres livres cités par Baillet, et en premier lieu les références aux textes dans lesquels Baillet a puisé son impressionnante documentation. Il s’agit notamment des livres déjà publiés en Europe sur Descartes, que Baillet cite et rectifie souvent : Vies de Descartes rédigées par l’Allemand Daniel Lipstorp en 1653 (Specimina Philosophiæ Cartesianæ, Leyde), par le médecin français Pierre Borel (Vitæ Renati Cartesii, summi philosophi compendium, Paris, 1653, 1656), par l’Italien Lorenzo Crasso (Elogii d’huomini letterati, Venise, 1666).
Les notes rectifient aussi des erreurs et des inexactitudes dans le texte et les notes marginales de Baillet, grâce à la découverte de documents et à des recherches récentes. C’est le cas, par exemple, pour les dates de la scolarité de Descartes au collège des Jésuites de La Flèche, ce qui conduit à modifier la date de la rencontre avec Mersenne.
Les notes signalent la disparition de certains manuscrits cités par Baillet, ainsi pour les lettres adressées à Descartes par le professeur de médecine d’Utrecht Henricus Regius.
Les notes confirment certaines sources manuscrites utilisées par Baillet, comme les rapports et dépêches que Pierre Chanut, ami de Descartes et ambassadeur en Suède, a envoyés à la Cour de France.
Dans tous les cas, ces notes fournissent les indications bio-bibliographiques des auteurs cités par Baillet dans son texte, ainsi que dans ses notes et remarques marginales. Ces notes font comprendre l’exceptionnel apport de Descartes dans les différents domaines qu’il a abordés et la richesse de l’ambiance intellectuelle européenne au dix-septième siècle.
La Vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet reste un document essentiel sur la biographie de Descartes, sur ses œuvres, sur le contexte de leur rédaction, sur les modalités de leurs publications et sur leur réception.
René Descartes, scientifique, philosophe, métaphysicien, est un acteur majeur dans ce moment fondateur de la culture européenne.
Les lecteurs spécialistes de Descartes pourront circuler aisément dans ces nombreuses références.
Les étudiants auront à leur disposition un texte indispensable rendu plus accessible grâce aux notes de vocabulaire et proposant des pistes de recherches grâce à la richesse de l’appareil critique.
Les amateurs de biographies découvriront l’ambition du texte de Baillet :
– présenter le portrait vivant de René Descartes inscrit dans son époque :
René, qui montre des « dispositions pour l’étude » est un élève à la santé fragile au collège des Jésuites de La Flèche, nouvellement fondé par le roi Henri IV, assassiné en mai 1610. René Descartes assiste à la cérémonie de la réception du cœur du roi Henri IV à La Flèche et Baillet explique aussi bien le cérémonial qui a présidé à ce transfert depuis Paris que le déroulement des études et le contenu de l’enseignement.
Descartes, qui hésite sur son avenir, s’engage comme soldat, s’intéresse aux mathématiques, rencontre Isaac Beeckman à Breda, voyage en Europe, et renonce au métier des armes après le siège de La Rochelle, place forte protestante. Baillet montre que les luttes religieuses et politiques n’ont pas épargné la France, puisqu’il décrit, dans la Première partie, le siège de La Rochelle. Il affirme, après Borel, que Descartes s’y est rendu pour « observer les forts », la tranchée qui ceinture la ville « & la construction de la digue », ainsi que pour discuter avec les « ingénieurs ». Peu après, Descartes va rejoindre Isaac Beekman, puis s’installe aux Pays-Bas pour y mener d’ambitieuses recherches. Descartes y invite ses amis français : l’artisan tailleur de verres Ferrier, le célèbre épistolier Guez de Balzac, et Claude Picot, titulaire d’un bénéfice ecclésiastique, libertin, futur traducteur du latin en français des Principia philosophiæ, Principes de la philosophie. Descartes noue de solides amitiés avec des Néerlandais, catholiques et protestants, en particulier Constantin Huygens, et il pleure la mort de la petite Francine, sa fille, à Amersfort le 7 septembre 1640.
Baillet s’est livré à une enquête minutieuse, pour mieux préciser l’ancrage géographique et chronologique, le contexte religieux et/ou politique, ou pour mieux faire comprendre l’enchaînement des événements, et leur enjeu.
Baillet, biographe de Descartes, est un historien qui veut conserver la mémoire des gens, des livres, des événements, ainsi que des lieux. Parmi ceux-ci, Baillet précise les divers endroits où Descartes a résidé aux Pays-Bas : Amsterdam, où Descartes élabore son vaste projet du Monde et de L’Homme, où il interroge les marins au retour de leurs grands voyages et où il va voir les bouchers de la rue des Veaux (Kalverstraat) qui le fournissent en organes à disséquer. Amsterdam, où il conseille à Guez de Balzac de venir le rejoindre, au printemps 1631. Amsterdam, où fut conçue la petite Francine, « le dimanche 15 d’octobre de l’an 1634 ». Baillet décrit les villes de Leyde, d’Utrecht, de La Haye, ainsi que le petit château d’Endegeest, dans les environs de Leyde. Baillet fournit aussi des indications sur les lieux que Descartes a habités lors de ses séjours à Paris chez l’abbé Picot en 1644, rue des Écouffes et en 1647, rue Geoffroy l’Asnier, deux rues du quartier du Marais, que Baillet connaît - rues proches de la Seine. Baillet décrit également les trois Cours de La Haye en Hollande, la troisième servant à accueillir en exil la famille de la princesse Élisabeth de Bohême. Baillet nous fait entrer à la Cour de la reine Christine de Suède et partager la vie de la famille de l’Ambassadeur de France en Suède, Chanut, qui offre généreusement l’hospitalité à Descartes.
– inscrire l’œuvre philosophique et scientifique de René Descartes dans un moment clé de l’histoire intellectuelle européenne : celui de la révolution scientifique, dans laquelle Descartes n’est pas seulement un témoin important, mais un acteur majeur, celui aussi de l’histoire de la philosophie moderne qu’il inaugure.
Baillet décrit avec précision le contexte philosophique et scientifique à partir duquel se déploient les vastes travaux de recherche poursuivis par Descartes dès son installation aux Pays-Bas, en 1629. Il expose clairement les ambitieuses recherches de Descartes en mathématiques, dans le domaine métaphysique, en astronomie et en anatomie. Il n’omet pas d’évoquer les tensions religieuses qui peuvent exister au sujet des nouveautés scientifiques et conduire à la condamnation, en 1633, par le Saint Office de Rome du livre de Galilée dans lequel il soutenait le mouvement de la terre autour du soleil (l’héliocentrisme copernicien, cf. Galilée, Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, Florence, 1632, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde - ceux de Ptolémée et de Copernic). Descartes, qui s’est rallié aux découvertes des « nouveaux astronomes », renonce alors à publier le traité du Monde (qui inclut L’Homme). Quand il évoque, dans son premier livre paru sans nom d’auteur à Leyde en 1637 : Le Discours de la méthode, préface aux Essais (Dioptrique, Météores, Géométrie), Descartes amplifie l’état de ses recherches et de la composition du texte non publié. Les nouveautés scientifiques contenues dans le Discours de la méthode avec l’approbation de la circulation du sang, authentique découverte de William Harvey, et l’analyse des sens, notamment la vue, dans la Dioptrique, commencent à être étudiées à l’université d’Utrecht grâce au professeur de médecine Henricus Regius. Baillet signale qu’un éloge de Descartes s’inscrit, en mars 1639, dans l’oraison funèbre de Reneri, professeur de philosophie à Utrecht, et ami de Descartes.
– évoquer les querelles religieuses suscitées par les découvertes scientifiques, comme la Querelle d’Utrecht, qui commence par des disputes sur la circulation du sang. Baillet cite avec précision les nombreux documents qu’il a consultés pour exposer cette violente controverse qui a occupé et préoccupé Descartes pendant plusieurs années.
– sans oublier le fait qu’une grande partie de la vie de Descartes se déroule pendant la Guerre de Trente Ans qui a déchiré l’Europe, comme l’indique Baillet dans la Première partie, en s’appuyant notamment sur le Mercure françois, et que deux des correspondantes de Descartes : la princesse Élisabeth de Bohême et la reine Christine de Suède ont été concernées, à des titres divers, par la conclusion des Traités de Westphalie (1648), comme le précise Baillet dans la Seconde partie.
Baillet souligne l’importance de la Princesse Élisabeth de Bohême, dédicataire des Principes de la philosophie. C’est cette jeune et brillante princesse, qui, par ses questions sur l’union de l’âme et du corps, joue un rôle fondamental dans l’élaboration du traité des Passions de l’âme. Baillet met en valeur les lettres adressées par le philosophe à la princesse, tout comme il cite les lettres de Descartes transmises à la reine Christine de Suède, par l’intermédiaire de Pierre Chanut. Baillet évoque la question de la conversion de la reine Christine au catholicisme après son abdication.
Baillet mentionne une autre intellectuelle que Descartes a rencontrée : Anna Maria van Schurman, « l’étoile d’Utrecht ». Alors que les femmes n’étaient pas admises à l’université, elle fut la première à étudier à l’université d’Utrecht, où elle suivait les cours dissimulée derrière un rideau, pour demeurer invisible à ses condisciples masculins. Selon Baillet, à 28 ans, « elle avait devancé la plupart des vieillards dans la connaissance des arts & des sciences ».
Baillet signale aussi que William Cavendish, un correspondant anglais de Descartes, a eu sa « Vie écrite par la Duchesse, sa femme ». Il s’agit de Margaret Lucas, mariée à William Cavendish, dont elle a publié la biographie en 1668.
Baillet rédige la biographie de Descartes dans une langue toujours précise, quel que soit le domaine abordé : qu’il s’agisse de questions et débats scientifiques, de controverses métaphysiques, de difficultés théologiques, de polémiques aux enjeux divers, de querelles politiques et religieuses, de déroulement de batailles, de conclusion de traités nationaux ou internationaux, etc. Mais Baillet ne transmet pas uniquement les idées et le contexte dans lequel elles se déploient, il donne à entendre la voix de ceux qui portent ces idées, par son utilisation très habile des sources variées qu’il cite, ce qui fait l’exceptionnel intérêt de cette biographie.
Une édition annotée de La Vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet est une nouveauté éditoriale qui va permettre aux lecteurs contemporains d’avoir accès à un écrit très important du xviie siècle sur Descartes et sur la vie culturelle européenne, en éclaircissant les points complexes du point de vue scientifique, philosophique, religieux et politique, ainsi que les nombreuses controverses philosophiques, scientifiques et religieuses. L’édition critique de la grande biographie de Descartes par Baillet approfondit et enrichit un texte passionnant, foisonnant et irremplaçable, raison pour laquelle il a ensuite inspiré de nombreux auteurs, y compris les Encyclopédistes.
Article de Robert Maggiori dans Libération des 5-6 novembre 2022
Article de Roger-Pol
Droit dans Le
Monde du 18
Novembre 2022
Article dans « IL SOLE », 4 décembre 2022
II) Articles publiés dans la revue Dialogues de Descartes de l’Université Paris Descartes et repris sur le site web de l’Université Paris Descartes (Paris V, René Descartes) :
Descartes, un esprit
universel
Descartes et la médecine
Descartes
et la princesse Elisabeth
Descartes
et la reine Christine de Suède
Descartes
et Poussin
Descartes
et Corneille
Descartes
et Molière
Descartes
et Racine
Descartes
et La Fontaine
Descartes
et Pascal
Descartes
et Galilée
III) Articles dans le Dictionary of Seventeenth-Century French Philosophers, general editor: Luc Foisneau, Thoemmes Continuum, New York, 2008.
Traduction française publiée en 2015 : Dictionnaire des philosophes français du XVIIe siècle, Acteurs et réseaux du savoir, Paris, Classiques Garnier, sous la direction de Luc Foisneau.
Articles sur :
Caspar Bauhin (Bauhinus) (17 janvier 1560-5 décembre 1624), (second fils du médecin français Jean Bauhin), p.232-p.234.
Pierre Dionis (1643-11 décembre 1718), p.567.
André Du Laurens (Laurentius) (9 décembre 1558-16 août 1609), p.605-p.607.
Raymond Vieussens (vers 1635-16 août 1715), p.1754-p.1755.
IV) Articles pour The Cambridge Descartes Lexicon, édité par Lawrence Nolan, paru début 2016 chez Cambridge University Press :
Articles sur :
Anatomy and Physiology, (p.13-p.16).
Pineal gland, (p.593-p.596).
Description of the Human Body (La description du corps humain), (p.190-p.192).
Christina, Queen of Sweden, (p.108-p.109).
La Forge, Louis de, (p.429-p.430).
V) Travaux actuellement poursuivis :
- Editions annotées de l’ensemble des textes médicaux de Descartes :
L’Homme, la cinquième partie du Discours de la méthode, l’intégralité de La Description du corps humain, la traduction et l’annotation des Primae cogitationes circa generationem animalium et de la totalité des Excerpta anatomica, à paraître chez Gallimard dans les Oeuvres complètes de Descartes, sous la direction du regretté Jean-Marie Beyssade et de Denis Kambouchner (collection de poche Tel, volume II, puis bibliothèque de La Pléiade).
- Edition critique de l’Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus de William Harvey, (Les Belles Lettres).
- Poursuite des travaux sur les monstres (textes et iconographie).
- Dossier sur la mort de Descartes dans son contexte médical, pour le volume VII des Oeuvres complètes de Descartes dans la collection Tel, Gallimard.
VI) Articles en cours de publication :
- Sur l’ensemble des sources médicales de Descartes : la bibliothèque médicale de Descartes.
- Ma communication, avec power point, sur :« De L’Homme au Discours de la méthode et à la Dioptrique : Descartes face à l’anatomie du cerveau. Enjeux médicaux, anthropologiques et métaphysiques » à l’Atelier international Le cerveau cartésien : problèmes et controverses, International Workshop about The Cartesian Brain, organisé par l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne - ISJPS, Paris, Bibliothèque Cujas et Bibliothèque Interuniversitaire Sorbonne, les 11 et 12 octobre 2019
- Ma communication en anglais (sur la plateforme Zoom avec power point) sur “Descartes’ Writings and the Use of Anatomical Images dealing with Medical Issues: Contextualization, Innovation and Reception” au congrès de Louvain/Leuven, organisé par Mattia Mantovani & Davide Cellamare les 19-21 March 2020, KU Leuven: Cartesian Images. Picturing Natural Philosophy in the 17th Century.
- Ma communication en anglais, avec power point, sur « Anatomical debates on hearts and brains and philosophical issues from Descartes’ writing of L’Homme to its posthumous publications », au colloque international de Pise organisé par Fabrizio Baldassarri en novembre 2020 : November 2020- Pisa- Zoom Conference: Medicine in the Philosophy of Descartes. Light and Shade. Sur la plateforme Zoom en raison de la pandémie.
Proceedings to be published by Brepols, 2023.
Abstract of my paper : Anatomical debates on hearts and brains and philosophical issues from Descartes’ writing of L’Homme to its posthumous publications.
After describing Descartes’ medical library: “Vesalius and the others” and the writing of L’Homme, I emphasize the importance of anatomical knowledge and of the practice of dissections.
I discuss the gap between L’Homme and the Discours de la méthode. I investigate the reasons of such a discrepancy and insist on the crucial moment of late 1632 when Descartes wrote to Mersenne about his dissections of “the heads of various animals” in order “to explain what imagination, memory, etc., consist in.” In the same letter Descartes mentioned his reading of the De motu cordis by Harvey (AT I, 263, CSMK 40) a treatise on the movement of the heart also explaining another fundamental discovery: the circulation of the blood.
The anatomical problems Descartes had to face about hearts and brains provide the key to understanding the evolution of Descartes’ thoughts. They led him to introduce new themes in the Discours and the Dioptrique.
The challenge of the motion of the heart shows the entanglement of metaphysical and medical themes. The anatomy of the brain, even more than the anatomy of the heart, has given rise to medical, philosophical, metaphysical and religious considerations and controversies. Descartes’ dissections of hearts and brains led to confront the problem of both the status and the location of the principle of life, and to consider the specificity of the human soul, and to pay attention to the unique mental faculties of imagination, reason and memory. These questions fitted in the framework of the Nature on Man, whose theme Descartes delved into in the Discours, the sixth Meditation, the passions de l’âme and the Description du corps humain. The Description was published posthumously with L’Homme in 1664 in Paris with a Préface (Foreword) by Clerselier.
Keywords: Anatomy, Hearts, Brains, Principle of life, Specificity of the human nature, mechanics, Vesalius, Fabricius ab Aquapendente, Bauhin, Harvey.
VII)
Principales participations à des colloques, conférences et ateliers
en France et à l'étranger, qui n’ont pas fait l’objet de
publications :
- Colloque
international de Vianden-Luxembourg, 30 juin-3 juillet 1991, sur le
thème Tradition et
émancipation.
Conférence sur William Harvey, René Descartes : continuité et
rupture par rapport à la tradition médicale (Hippocrate, Aristote,
Galien).
- Journée
La science chez
Descartes, 24
octobre 1992, Descartes, (Indre et Loire, ville natale de René):
Exposé sur Descartes et la médecine de son temps, avec insistance
sur la cohérence de l’attitude de Descartes, face d’une part à
la tradition médicale encore vivace au dix-septième siècle, et
d’autre part au livre de W. Harvey, paru en 1628, démontrant
brillamment le mouvement du coeur et la circulation du sang :
Exercitatio
anatomica de motu cordis et
sanguinis in animalibus.
- Célébration
du quatrième centenaire de la naissance de Descartes, Cité des
Sciences et de l’Industrie de La Villette, Paris, 12 octobre 1996:
Communication sur Descartes, les sciences, le choix de la langue
française et la recherche d'un nouveau public.
- La
Villette, 23 novembre 1996, second après-midi de commémoration de
Descartes, Cité des sciences et de l’Industrie: Exposé sur
Descartes, Harvey et la médecine, suivi d’une discussion avec le
public.
- Commémoration
de l’anniversaire de la naissance de Descartes par l’université
d’Oxford (Grande Bretagne) et la Philosophical
Society, Oxford,
19 et 20 octobre 1996, week-end sur Descartes
: Philosopher-Scientist.
Communication sur « Descartes, Harvey and Renaissance
Medicine ».
- Participation
à l’émission de France culture La
science et les hommes,
sur Descartes, l’oeuvre scientifique, diffusion : mercredi 13
novembre 1996.
-
Mini-université de Boulogne-Billancourt, 4 février 1997, exposé
suivi de questions sur le thème : Dualisme et unité de l’homme
chez Descartes.
- Séminaire
équipe REHSEIS, UPR 318, 22 avril 1997, exposé suivi de questions
sur Descartes et Harvey : la révolution médicale du dix-septième
siècle et ses enjeux.
- Université
Catholique de Louvain, Centre d’Etude pour l’Histoire de la
Pharmacie et du Médicament, (maintenant dans l’agglomération
bruxelloise, en raison de la partition de l’université de Louvain
et du transfert des unités médicales et pharmaceutiques
francophones), 24 mai 1997, salle Albert Couvreur: « Descartes
et la médecine » (les sources de Descartes en anatomie,
notamment André Vésale; Descartes et sa conception du coeur et du
mouvement du coeur; Descartes et sa diffusion de la circulation du
sang découverte par William Harvey).
-
Palais de la Découverte (Paris), dans le cadre de l’exposition
Entre Art et
Science, la Création, 16
décembre 1997, conférence ayant donné lieu à un enregistrement:
Entre art et
science, la leçon d’anatomie: iconographie de Vésale à
Rembrandt.
-
ENS (rue d’Ulm), dans le cadre du séminaire de Michel Serfati:
Conférence sur « La représentation du corps à l’âge
classique », 19 novembre 1997.
- Cours d’histoire de la médecine en liaison avec l’histoire de la philosophie, dans le cadre du séminaire d’épistémologie et histoire des sciences de la vie et de la santé organisé par le Professeur Jean Gayon, à l’Université Paris 7-Denis Diderot, années 1998-2000. Mes interventions portaient sur l’Antiquité, la Renaissance et l’Age classique. Je choisissais des livres, ou extraits de livres comme sujets de mémoires.
- Journées d’études
des 19 et 20 mars 1999 sur la
Correspondance entre Descartes et la princesse Elisabeth, organisées
au Centre culturel de Descartes par le Centre d’études en
rhétorique, philosophie et histoire des idées, de l’humanisme aux
lumières, (CERPHI) de l’E.N.S. de Fontenay/ Saint-Cloud (ENS-LSH
de Lyon) et l’université de Rennes I: Exposé sur « La
raison plutôt que les remèdes »: les thèmes médicaux de la
correspondance et leurs enjeux philosophiques et médicaux.
- E.N.S.
de Fontenay-Saint Cloud, 17 décembre 1999, journée de préparation
agrégation de philosophie, puis séminaire de l’équipe Savoirs et
Textes de l’U.M.R. 8519, C.N.R.S., Université de Lille 3, 13
janvier 2000, exposé sur « La place de la médecine dans
l’oeuvre de Descartes ».
- Centre
culturel de Descartes, Colloque international du 9 septembre 2000 sur
Descartes et la religion, exposé sur « La religion dans les
traités de médecine de Vésale à Harvey ».
- Colloque
organisé par l’I.R.E.M. de l’Université Paris VII (Paris
Diderot), les 6 et 7 juin 2001, à l’Institut Henri Poincaré, sur
Les modèles de la
science au XVIIe siècle: Exposé
sur « Les modèles en médecine au dix-septième
siècle ».
- Continent
Sciences, Itinéraires de sciences, diffusion sur France Culture,
émission Une Histoire du Cerveau, réalisée par Jacques Coget.
Intervention sur le cerveau chez Descartes et chez Willis, diffusion
11 mars 2004.
- Invitation au Japon, en septembre 2015, à l’initiative du Professeur Hiroaki Yamada, du Professeur Chiaki Kagawa et du Professeur Hiroki Takeda, dans le cadre de la publication, prévue en japonais, des écrits médicaux de Descartes (Primae cogitationes circa generationem animalium, Excerpta anatomica, La Description du corps humain). Rencontre à Tokyo avec l’équipe de traduction.
- Séminaire à l’International Forum de Tokyo, 11 septembre 2015 : The Medical Writings of Descartes. Answers to the questions.
- Conférence à la Société franco-japonaise de Philosophie, 12 septembre 2015, Université Rikkyo à Tokyo : La physiologie de Descartes. Réponses aux questions.
- Séminaire à l’Université d’Osaka, 14 septembre 2015 : The Physiology of the Passions of the Soul. Answers to the questions.
-Mon intervention avec discussions à la journée de présentation de la publication de la traduction des Ecrits médicaux de Descartes en japonais, avec mon introduction et mes notes, à Tokyo le 3 Avril 2017 : Commemorative Session of the Publication of the Medical Writings of Descartes (Hosei University Press), en présence de toute l’équipe de traduction et du directeur éditorial M. Masatoshi Goma.
Extrait du début : « C’est un honneur pour moi de présenter ce beau livre relié contenant la traduction en langue japonaise des textes médicaux de Descartes, après ma superbe invitation au Japon à l’initiative des Professeurs Hiroaki Yamada et Chiaki Kagawa et ma passionnante rencontre avec l’équipe de traduction et l’éditeur de cet ouvrage, en septembre 2015. J’ai bénéficié d’un accueil exceptionnel et j’ai découvert avec enthousiasme un pays magnifique. Je vous suis très reconnaissante pour cette nouvelle invitation et je suis heureuse de remercier les organisateurs de mon nouveau séjour.
Les textes traduits et annotés dans cette superbe publication japonaise avec illustrations sont les suivants : d’une part, deux recueils de notes en latin : les Primae cogitationes circa generationem animalium (Premières pensées sur la génération des êtres vivants) avec le fragment intitulé De saporibus (Au sujet des saveurs), et les Excerpta anatomica (Extraits anatomiques), et d’autre part, un texte en français, La Description du corps humain. Ils ont été rédigés par René Descartes à différents moments, entre 1630 et 1648, et ont tous été publiés après sa mort, mais séparément, à des dates distinctes et par plusieurs éditeurs, avant de figurer, dans leurs langues originales, avec Le Monde et L’Homme, ainsi que les Passions de l’âme, au tome XI de l’édition Adam et Tannery des Œuvres de Descartes ».
- Mon intervention (avec power-point) et avec discussions à la Maison franco-japonaise de Tokyo le 23 octobre 2019 sur La Vie de M. Descartes par Adrien Baillet, publiée à Paris, en deux parties, en 1691, en cours de traduction en japonais par les Professeurs Hiroaki Yamada et Chiaki Kagawa. Publication en 2022 avec mon introduction et mes notes.
- Ma communication avec power point et discussions à l’Université Ritsumei-Kan (Ritsumeikan) à Kyoto le 26 Octobre 2019 sur Descartes et la pensée médicale.
- Ma communication du 22 Avril 2021 (avec power point) sur « La place de la médecine dans l’oeuvre de Descartes »,
au séminaire : Une science si nécessaire. Médecine et morale à l’époque cartésienne, organisé par : Centro dipartimentale di studi su Descartes « Ettore Lojacono », Centre d’études cartésiennes-Sorbonne Université, in collaborazione con Corso di Laurea in Filosofia, Università del Salento, Dottorato internazionale in Forme e storia dei Saperi filosofici. Diffusion sur la plateforme Teams.
La place de la médecine dans l’œuvre de Descartes, Résumé :
La médecine occupe une place éminente dès la rédaction du Monde qui inclut l’étude de L’Homme. Descartes a lu « Vezalius (Vésale) et les autres » et pratiqué des dissections notées dans des fragments latins. Le premier livre publié, le Discours de la méthode, approuve la circulation du sang découverte par Harvey, mais l’inscrit dans un contexte mécaniste novateur. La Dioptrique innove dans l’analyse des sens et sensations. Regius, professeur de médecine, insère ces nouveautés dans les thèses que Descartes corrige.
Les questions médicales irriguent les Méditations I (mélancolie/désordres de l’imagination/folie) et VI (douleur des amputés), ainsi que la fin de Principes IV.
Les Passions de l’âme sont étudiées dans un cadre physiologique et thérapeutique rénové. Ce traité, contemporain de la rédaction de la Description du corps humain, porte l’influence des Lettres à Élisabeth, où Descartes a soigné la mélancolie de la princesse, pathologie emblématique de l’union de l’âme au corps.
- Mon intervention (avec power point) le 11 décembre 2021, en présence, en Sorbonne, sur « La leçon d’anatomie entre art et science » dans la journée d’étude Organisation et harmonie, Arts et Sciences à l’Age classique, organisée par Daniel Dauvois, Catherine Fricheau et Thibault Barrier, avec le soutien du Centre d’Histoire des Philosophies Modernes de la Sorbonne.
- Mon intervention (avec power point) le 15 décembre 2021 sur « Le discours médical sur les passions, Descartes et ses prédécesseurs », au séminaire « Passions et émotions entre philosophie et littérature à l’Age classique », 2021-2022, ENS Paris, organisé par Jean-Charles Darmon et Dan Arbib. En présence à l’ENS et en visio-conférence (mode hybride).
- Ma communication (avec power point) sur « Santé, maladie, salut dans la Vie de Monsieur Descartes par Adrien Baillet (Paris, 1691) », le 31 mars 2022 au séminaire Filosofia e medicina: salute, malattia, salvezza / Philosophie et médecine : santé, maladie, salut à l’époque cartésienne / Philosophy and Medicine : Health, Illness, Salvation (largement pris, donc aussi dans le sens de la medicina mentis), organisé par le Centro Dipartimentale di Studi su Descartes « Ettore Lojacono », le Centre d’études cartésiennes Sorbonne Université. Diffusion sur Teams.
[1] Voir la présentation de Jean-François Vincent et Chloé Perrot, La myologie de Johannes Van Horne et Marten Sagemolen, Août 2016, sur le site de la B.I.U.S., Histoire de la médecine.
[2] Tim Huisman, The Finger of God, Anatomical Practice in 17th Century Leiden, Pdf de la thèse soutenue à Leyde le 8 mai 2008, p. 71 et 73.
[3] Bauhin, Theatrum anatomicum, 1605, lib. IV, cap. I : De manu Galenus totis duobus primis de usu partium libris, p. 1031.
[4] De humani corporis fabrica, Bâle, 1543, op. cit., écorchés faces antérieure et postérieure, p. 170, 174, 178, 181, 184, 187, 190, 194, 197, 200, 203, 206, 208.
[5] Theatrum anatomicum, op. cit., tab. IV, en regard de la p. 1294, il s’agit d’un squelette féminin.
[6] Fabrica, 1543, op. cit., p. 163.
[7] Voir les planches reproduites dans le Liminaire II du BC L.